Libre-opinion: Il est temps que les employés municipaux contribuent
Au moment où la Ville de Montréal doit faire face à un déficit budgétaire spectaculaire en 2007, il est temps de s'interroger sur la rémunération démesurément généreuse dont jouissent les employés municipaux. Lorsqu'on compare leurs conditions de travail à celles des fonctionnaires provinciaux ou des travailleurs du secteur privé, on constate des écarts considérables.
***Jean Tremblay
Montéalais
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Depuis une vingtaine d'années, les fonctionnaires provinciaux ont eu à subir des décrets et des lois spéciales qui ont ramené leur rémunération au niveau du secteur privé. Pendant ce temps, les employés de la Ville de Montréal négociaient avec des administrations municipales sans pouvoir législatif qui cédaient tôt ou tard devant les méthodes d'intimidation des syndicats municipaux.
L'écart s'est ainsi progressivement creusé entre les conditions des uns et des autres, au point d'atteindre le fossé qui sépare actuellement les deux groupes de fonctionnaires. Grâce, en particulier, aux méthodes agressives des cols bleus qui leur ont ouvert le chemin, les employés municipaux sont parvenus à arracher une rémunération et des avantages sociaux nettement plus avantageux que ce que reçoivent les fonctionnaires provinciaux qui occupent des postes comparables. En 2001, une étude de l'Institut de la statistique du Québec révélait déjà un écart de 25 % entre la rémunération globale (salaires, avantages sociaux et temps chômé payé) des employés municipaux et celle des fonctionnaires provinciaux. Depuis, les employés du gouvernement du Québec ont eu droit à une loi spéciale qui a gelé leurs salaires pendant près de trois ans alors que les employés de la Ville de Montréal continuaient de recevoir des augmentations salariales additionnelles. On peut estimer aujourd'hui que l'écart dans la rémunération globale des deux groupes dépasse maintenant le seuil des 33 %.
Les employés municipaux ne peuvent pas continuer de vivre dans un paradis doré alors qu'il y a crise dans les finances publiques municipales. Il est aberrant de voir les municipalités réclamer davantage de revenus des autres ordres de gouvernement et des contribuables pendant que les employés municipaux reçoivent une rémunération globale sans commune mesure avec celle des fonctionnaires provinciaux ou des employés du secteur privé.
L'administration de la Ville de Montréal songe à augmenter substantiellement les taxes pour combler un déficit de 400 millions de dollars qu'elle anticipe pour l'an prochain, comme s'il n'y avait pas une autre solution: geler la rémunération disproportionnée accordée à ses employés. Avec la hausse des taux d'intérêt hypothécaires, de la taxe scolaire et des taxes municipales qui s'annonce, plusieurs nouveaux propriétaires qui ont accédé de justesse à la propriété au cours des dernières années pendant que les taux étaient à leur plus bas, des jeunes en particulier, vont crouler sous cette pression et seront forcés de vendre à rabais leur maison récemment acquise. Est-ce équitable de surtaxer ces contribuables pour accorder à ceux qui sont censés les servir une rémunération globale nettement plus élevée que celle à laquelle ils ont eux-mêmes droit? Le régime de retraite des employés de la Ville de Montréal est incroyablement généreux pour les employés et coûteux pour la ville et les contribuables: plusieurs cols bleus prennent leur retraite avant d'avoir 50 ans! Les taux horaires, la durée des vacances (six semaines après 20 ans de service) ou la couverture des régimes d'assurance santé sont sans commune mesure avec ce qui est accordé dans la fonction publique provinciale ou dans le secteur privé.
Il est temps que les employés municipaux contribuent à leur tour à l'assainissement des finances publiques, comme l'ont fait régulièrement les fonctionnaires provinciaux depuis une vingtaine d'années. Un gel de leur rémunération s'impose pour la durée de leur prochaine convention collective. Le gouvernement provincial devrait soutenir l'administration municipale pour leur faire entendre raison, s'il le faut par une loi spéciale. Cela donnera un peu d'oxygène aux petits propriétaires déjà surtaxés et permettra d'équilibrer les finances municipales. Les employés municipaux jouissent d'une telle avance sur les fonctionnaires provinciaux et les employés du secteur privé que leur rémunération continuera de faire l'envie de tous, même après un tel gel.