Lettres: Le dilemme afghan
Un article paru récemment dans les journaux rapportait la colère des soldats canadiens cantonnés en Afghanistan envers le gouvernement canadien pour son incapacité à défendre la guerre pour laquelle ils risquent leur vie. Leur insatisfaction est normale et même saine, car leur mission ne peut leur sembler juste si la société à laquelle ils appartiennent ne l'appuie pas. Cela témoigne de l'absence de militarisme, d'un sentiment que la guerre est une fin en soi. La paye des soldats est aussi la reconnaissance qu'ils reçoivent collectivement, car peu d'autres raisons peuvent motiver un individu d'une société occidentale à risquer sa vie. Il y a bien entendu le goût de l'aventure, mais ça ne sert de moteur qu'un temps.
Une telle constatation ouvre par contre un dilemme difficile à résoudre: un pacifiste ou un opposant à une guerre menée par son pays se désolidarise-t-il des troupes de son pays? Doit-il se sentir inconfortable par rapport aux autocollants et fanions de toutes sortes que l'on arbore? Doivent-ils être envisagés comme un signe de bellicisme? Ces deux engagements sont-ils incompatibles? Sinon, comment soutenir les contingents canadiens envoyés à l'étranger tout en dénonçant soit l'ensemble de la guerre, soit la façon dont elle est menée, et les objectifs qui la sous-tendent?La lourdeur du dilemme tient sûrement au fait que le questionnement sur la guerre en Afghanistan est resté superficiel: il n'a pas franchi le cap du «pour ou contre» la présence canadienne en Asie centrale. Ne pourrait-on pas s'interroger, se positionner sur les stratégies des États-Unis et de l'OTAN pour assurer la reconstruction du pays? Pour arriver à cela, il faut que la politique étrangère et de défense cesse d'être le jouet du gouvernement canadien: il y a des choix à faire au-delà de l'approbation ou du rejet de la campagne contre la terreur. Le Canada ne doit pas s'en remettre à ses alliés pour définir les limites de son engagement.
En exposant tous les aspects de l'implication canadienne en Afghanistan, nous pourrons alors dissocier notre soutien aux troupes de notre position par rapport aux différentes facettes de cette guerre.