Nos films sous-titrés pour nous faire entendre

Voici ma réponse à l'article d'Odile Tremblay sur le sous-titrage en français des films québécois, paru dans l'édition du 5 octobre 2002 du Devoir.

Française de naissance, Québécoise de coeur et directrice générale des Rendez-vous du cinéma québécois de profession, j'avoue avoir du mal à comprendre la polémique qui entoure la question du sous-titrage en français des films québécois pour le marché européen francophone. Quel est le problème, en fait? Pourquoi ce sentiment de se faire voler son âme, de se mettre à genoux, de se déshonorer?

Le cinéma est, comme on le sait, un formidable outil de propagande et d'éducation. Nous n'avons pas le volume pour imposer notre langue comme le font les Français «de France» depuis des décennies, mais pourquoi nous priver de les familiariser en douceur en étant un peu pédagogues? Qu'est-ce qu'un sous-titre s'il permet la rencontre de l'autre, s'il lui donne la chance de voir nos oeuvres et de nous entendre?

En lutte contre la culture dominante américaine, en autarcie linguistique dans ce pays qu'est le Canada, il serait dommage qu'on en arrive à l'absurdité de ne faire circuler nos films qu'en versions sous-titrées en anglais dans une Europe allophone en évitant les pays francophones comme la France et la Belgique ou la Suisse. Ou bien allons-nous vraiment finir par ne plus produire qu'en anglais?

De façon plus empirique, j'ai eu la chance d'accompagner à Cannes en 1992 le film de Robert Morin, Requiem pour un beau sans-coeur, présenté à la Semaine de la critique et sous-titré en français pour l'occasion. Un sous-titrage ma foi fort intelligent, sorte de béquille de sens ne traduisant que les moments très québécois ou en joual. Le film plut et, à la sortie, un des spectateurs nous dit n'avoir pas bien compris pourquoi le film était sous-titré, que tout était très compréhensible.

Ce même spectateur, en visite à Montréal quelques mois après, demandait à revoir le film, ce qu'il fit devant le petit écran et dans une version sans sous-titres. Quelle ne fut pas sa surprise de voir (ou plutôt d'entendre) qu'il ne comprenait presque plus rien! La version sous-titrée de Cannes lui avait donné la possibilité de combler les trous entre ce qu'il comprenait ou non, sans dénaturer l'oeuvre de Morin.

Avant qu'il n'y ait eu assez de films québécois sur les réseaux de distribution européens pour que tout le monde nous comprenne, pourquoi priver nos films d'un auditoire plus large tout en continuant à tourner dans notre langue? Que perdons-nous dans le sous-titrage en français? Notre honneur, notre identité? Je pense au contraire que nous offrons notre vigueur et notre spécificité à un public curieux même s'il est peut-être un peu «paresseux de la feuille». Nous sommes différents, nous sommes bons, alors offrons toutes les occasions possibles à ceux qui ne le savent pas encore de nous découvrir.

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