L'exceptionnalisme américain - À la recherche d'un ennemi

Depuis que les talibans ont été chassés de l'Afghanistan, Saddam Hussein semble être désigné comme le nouvel ennemi des États-Unis. L'expansion fulgurante des États-Unis en moins de trois siècles repose en fait sur cette capacité à identifier un ennemi pour ensuite mobiliser les forces de la nation contre celui-ci.

Profondément inscrite dans les mythes fondateurs de la nation américaine, l'idée de l'exceptionnalisme américain a été génératrice d'ennemis lorsqu'est venu le temps d'agrandir le territoire ou de justifier des avancées économiques ou militaires.

Dès que les premiers pèlerins arrivent sur le sol américain, John Winthrop affirme que la nouvelle contrée représente un phare scintillant pour ceux et celles en quête de liberté: «We shall be as a city upon a hill, the eyes of all people are upon us.» L'ancienne Europe, terre souillée par l'intolérance et les guerres de religion, devait être lavée de ses péchés un jour ou l'autre. Sur le Nouveau Continent, les colons sont aux prises avec les Amérindiens, ces derniers représentant les «forces sataniques» qu'il faut repousser.

La révolution américaine consacre la coupure définitive d'avec l'ennemi qu'est alors l'Angleterre, cette métropole qui «asservissait ses sujets par des lois tyranniques». Sitôt formé, le nouvel État n'hésite pas à se lancer en guerre contre le Canada en 1812 pour expurger le nord du continent de toute présence britannique.

Par la suite, en 1822, ce qu'on appellera la doctrine Monroe avertit les Européens de ne pas se mêler des affaires de l'hémisphère ouest et réserve l'Amérique aux États-Unis. Une première sphère d'influence américaine est clairement établie. La «destinée manifeste», expression utilisée pour la première fois lors de la guerre contre le Mexique, dans les années 1840, va devenir le déterminisme que l'on évoquera pour justifier les interventions contre les Mexicains et les Amérindiens. Bientôt, ce seront Cuba puis les Philippines. L'exportation du modèle américain commence à l'extérieur du continent américain.

Au XXe siècle

Au XXe siècle, les Américains multiplient les interventions à l'étranger et se développent comme la première puissance du monde. Lors de la Première Guerre mondiale, ils débarquent sur les côtes normandes aux côtés des Alliés. À la conférence de Versailles, Woodrow Wilson consacre avec ses 14 points la volonté de voir les idéaux démocratiques américains s'imposer comme valeur universelle.

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis sont dans le camp des gagnants et sont responsables de la victoire alliée. Sitôt l'ennemi commun abattu, un nouvel opposant se lève. Les Américains livrent alors une grande lutte idéologique à l'Union soviétique communiste, qui sera plus tard désignée comme l'«empire du mal». Pendant la guerre froide, tout pays préconisant des politiques socialisantes devient suspect aux yeux des Américains. Ce climat favorise un état de crise qui engendre de multiples conflits préventifs comme à Cuba, au Vietnam et au Nicaragua.

En 1989, la chute du mur de Berlin annonce la fin de la guerre froide. Ces événements privent les États-Unis de leur ennemi principal. Rapidement, les «nations voyous», comme l'Irak, soupçonnées de menacer la sécurité mondiale, sont désignées comme la nouvelle menace. Il n'est donc pas surprenant que le président Bush, fidèle aux principes de l'exceptionnalisme américain et de la destinée manifeste, souligne aujourd'hui que ce combat oppose le «bien» contre le «mal».

À voir en vidéo