Vieillissement de la population - Une fiducie pour sauver la santé
Alors que vient de se terminer le congrès de l'ADQ et que commence le Forum sur le déséquilibre fiscal canadien, nous voilà inondés d'opinions à propos de ce que l'État québécois doit faire de ses finances publiques. Toutefois, qu'il soit question de déséquilibre fiscal, de surplus budgétaires, de remboursement de la dette ou de baisses d'impôts, il faut se rappeler qu'il ne s'agit là que de moyens et non d'objectifs. Le débat actuel demeurera futile, voire stérile, tant que le déséquilibre fiscal et les questions de finances publiques ne serviront pas des idéaux concrets et tangibles.
Respectivement présidente, vice-président et trésorier du groupe Force JeunesseAu début des années 90, alors que nous voguions de déficit en déficit, l'équilibre budgétaire se profilait comme un objectif évident, même s'il paraissait inaccessible pour plusieurs. L'étape suivante consiste tout naturellement à se demander quelles sont les priorités de l'État québécois à long terme.
Comme bien d'autres, nous croyons que l'État québécois, sans se soustraire à ses responsabilités en matière de justice, d'environnement ou de soutien aux familles, à titre d'exemple, devrait considérer comme prioritaires les deux secteurs suivants: l'éducation et la santé.
Le système de santé
En ce qui a trait à notre système de santé, nous croyons que l'accessibilité et la qualité des soins de santé constituent d'importantes réalisations collectives. Toutefois, ces soins engendreront, au fil des ans, des coûts de plus en plus grands et accapareront dans les années à venir une part de plus en plus importante du budget provincial. Les coûts associés à la santé augmenteront deux fois plus rapidement que les revenus de l'État québécois. Nous avons donc collectivement la responsabilité de mettre en place les moyens nécessaires à la pérennité de notre système de santé.
Une fois ciblées ces objectifs, nous devons trouver le moyen d'assurer leur financement à long terme en tenant compte de la seule donnée quantitative que nous puissions évaluer avec certitude: le vieillissement de la population.
La première avenue, celle favorisée par le Parti québécois, consiste à démontrer l'existence d'un déséquilibre fiscal afin de rapatrier des sommes du gouvernement fédéral. Or on ne sait trop ce que nos élus provinciaux entendent faire des moyens qu'il comptent récupérer. Une fois que la société québécoise aura déterminé quelle est la bonne clé pour ouvrir le coffre-fort fédéral (transfert de points d'impôt, rapatriement de l'argent provenant de la TPS ou augmentation des transferts), nous devrons bien décider de l'allocation de ces ressources supplémentaires, à défaut de quoi nous aurons remué tant de poussière pour rien. Le transfert d'argent ou de pouvoir de taxation du fédéral ne saurait constituer un objectif en soit.
La seconde option nous est proposée notamment par le Parti libéral, qui compte diminuer les impôts de manière significative et augmenter uniquement les dépenses de manière ciblée, ainsi que par l'ADQ, qui compte éventuellement instaurer un taux d'imposition unique. L'option de la baisse des impôts permettra probablement à moyen terme d'insuffler une certaine vigueur à l'économie et de maintenir notre système de santé à court terme. Mais comment, en réduisant les revenus du gouvernement d'une manière importante, pourrons-nous financer adéquatement la santé et l'éducation à long terme? Réduire significativement les revenus de l'État sachant l'arrivée incontournable d'une croissance des dépenses nous semble un scénario irresponsable.
Éliminons aussi dès maintenant les réinvestissements massifs et un retour, même sur une brève période, aux déficits budgétaires. En effet, après tant de sacrifices collectifs, il s'avérerait irresponsable d'ouvrir les vannes compte tenu de notre importante dette, véritable épée de Damoclès au-dessus des Québécois de tout âge, qui nous prive et nous privera tous les ans de fonds importants.
Mais alors, quelle voie emprunter? Rembourser la dette? Voilà une option elle aussi mise en avant par l'ADQ et les libéraux. En affectant la quasi-totalité des marges de manoeuvre disponibles au remboursement de la dette, on évite de mettre trop d'argent dans le réseau et d'ensuite rendre ce dernier insoutenable, pelletant nos responsabilités sur les épaules des générations futures. De plus, si les remboursements sont substantiels, cette façon de faire a le mérite d'éliminer la dette résultant de dépenses courantes faites à crédit par le passé. Une fois libéré du fardeau des intérêts sur cette dette, le gouvernement aurait alors les coudées franches pour faire face à l'augmentation des coûts du système de santé et livrer aux baby-boomers les services auxquels ils auront droit.
Toutefois, il pourrait s'avérer difficile de garder cette discipline à plus long terme si les citoyens ne peuvent pas apprécier rapidement et de façon concrète les progrès réalisés ainsi que l'impact réel de cette importante décision sur leur qualité de vie future.
Une caisse santé
Voilà donc pourquoi la création d'une caisse santé, une sorte de fiducie visant à assurer la pérennité d'un système efficace et accessible à tous, se présente comme la meilleure option. Le gouvernement s'engagerait à déposer dans cette caisse des sommes importantes chaque année jusqu'en 2020 environ, puis à en retirer graduellement à partir de 2025 afin de pourvoir aux coûts élevés liés à la prestation de soins de qualité à une population dont l'âge médian passera de 36,1 ans en 1996 à plus de 46 ans vers 2031. Il nous apparaît clair que sans une telle mesure, les seuls revenus fiscaux de l'État ne pourront pas soutenir le système. Une grave iniquité poindra alors.
En effet, comment pourrait-on accepter que les générations qui ont mis sur pied un des meilleurs systèmes de santé au monde et qui en auront assumé les coûts toute leur vie ne puissent pas en bénéficier au moment où ils en ont vraiment besoin?
À Force Jeunesse, nous croyons que nous ne devons pas mettre en place des programmes sociaux comme on construit des châteaux de sable, c'est-à-dire pour son seul plaisir et sachant que le temps l'emportera inexorablement avec la prochaine marée. Le temps joue contre nous. Il faut créer une caisse santé, et vite.