Les médecins n'ont pas deux boss comme les chameaux...
D'entrée de jeu, je dirai que le chameau peut parcourir 200 kilomètres sans manger et sans boire, alors que le médecin ne peut décemment faire 200 kilomètres de force après cinq jours de travail intense.
De plus, le chameau a deux bosses mais un seul patron, son maître, alors que le médecin ne devrait avoir qu'un seul boss si on veut vraiment le traiter comme un professionnel respectable et respecté.Ayant oeuvré pendant 14 ans comme directeur général dans le milieu de la santé, j'ai pu vivre deux expériences où les médecins ont eu un rôle important à jouer dans mon organisation. La première, c'est lorsque j'ai pris la relève dans un centre sous tutelle à cause d'une rupture cinglante entre les médecins et l'administration de l'institution. Les 12 médecins que j'ai réussi à engager après neuf mois de démarches et de négociations ont été reçus chez nous comme des partenaires «à part entière». Ils étaient tous là dix ans plus tard, sauf un, lorsque j'ai quitté l'établissement pour prendre ma retraite.
Deux ans plus tard, on m'a demandé de remplacer à pied levé un directeur général d'un autre établissement où avait frappé la pire «arnaque» du réseau de la santé. Après avoir remis de l'ordre sur les plans éthique et financier dans cette institution, j'ai reçu un témoignage très touchant des médecins qui m'ont reçu à souper, lors de mon départ, pour me remettre une plaque gravée de «reconnaissance» pour ce que j'avais fait avec eux et avec tout le personnel.
Trop ému pour faire un discours, je me suis levé et j'ai serré dans mes bras chacun de ces 13 vaillants médecins qui m'ont chuchoté à l'oreille combien j'avais été une inspiration pour eux. C'est une façon de gérer qui rapporte toujours beaucoup de dividendes! Je serais allé à Tombouctou avec ces merveilleux camarades. Ils n'avaient qu'un seul boss qui, pour elles et eux, était un ami.
C'est ce qui m'avait permis, avec un redressement financier de sept millions, de ne couper aucun service à la clientèle et aucun poste de travail autrement que par l'attrition. Ils étaient, avec les cadres, mes principaux partenaires dans ce défi de taille réalisé en deux ans.
Je laisse aux lecteurs le soin de se poser une question. Qu'est-ce que moi, citoyen ordinaire, je peux faire pour renverser la vapeur d'une situation d'injustice assez flagrante? Si tous les médecins à la retraite et tous les directeurs généraux à la retraite ainsi que toutes les personnes aînées qui ont pu profiter de services professionnels de qualité de la part de leurs médecins faisaient un geste significatif par rapport à ce qui se passe actuellement, ce serait un signe évident que la société civile demeure toujours la base de notre démocratie, qui est très loin de se limiter à un vote aux quatre ans pour élire la société gouvernementale.