La bonne nouvelle Metro

A&P Canada et de ses 236 magasins surtout concentrés en Ontario, le tout pour une valeur de 1,7 milliard de dollars. Alors que le Québec avait dû déplorer la vente de Provigo à Loblaw après l'échec de la stratégie conduite par la Caisse de dépôt, à la fin des années 90, voilà une transaction stratégiquement parfaite pour les actionnaires de Metro, mais aussi pour l'industrie agroalimentaire québécoise.

La distribution de produits alimentaires a atteint sa maturité depuis plusieurs années au Québec à cause de la faible croissance démographique et de la place de moins en moins importante qu'occupe le panier alimentaire dans le budget des ménages. Pour se développer, les entreprises doivent miser sur l'innovation continue en introduisant des produits à valeur ajoutée, tels les aliments frais ou préparés, exotiques ou spécialisés, et offrir de plus en plus de produits durables, comme des vêtements, des meubles de saison, des fours micro-ondes, entre autres. Mais c'est surtout en procédant à l'acquisition de chaînes concurrentes que les grands groupes réussissent à accroître leurs revenus et l'avoir de leurs actionnaires.

En achetant Provigo et Maxi, il y a quelques années, Loblaw avait réussi à pénétrer le marché québécois par la grande porte, améliorant de la sorte sa position dominante au pays. Quelques années plus tard, c'était au tour du numéro deux, la société Sobeys de la Nouvelle-Écosse, de prendre le contrôle de l'enseigne IGA aussi présente au Québec et ailleurs au pays.

Avec une telle concentration, il ne restait plus beaucoup de place pour Metro, dont 90 % des activités sont concentrées au Québec. De deux choses l'une: ou Metro profitait de l'occasion unique qui s'offrait à elle par la mise en vente de la division A&P Canada de la chaîne américaine Great Atlantic & Pacific Tea Co. Inc. ou elle s'offrait elle-même comme proie au plus offrant, ce à quoi ses actionnaires l'auraient forcée un jour ou l'autre pour augmenter la valeur de leur investissement.

Deux entreprises étaient en lice pour la transaction: Metro et Sobeys. Jusqu'à la dernière minute, la plupart des analystes donnaient Sobeys gagnant à cause de sa capacité financière et de son appétit pour le marché ontarien. Grâce à la transaction conclue cette semaine, Metro voit ses ventes rattraper d'un seul coup celles de Sobeys, à 11 milliards par année. Metro ne fait pas que doubler le nombre de ses magasins, elle réussit une percée majeure sur le marché ontarien, en complémentarité avec ses activités actuelles. De son côté, Sobeys vient de perdre une occasion en or de se rapprocher de Loblaw.

Pour réussir ce coup de maître, Metro a dû consentir la somme élevée de 1,7 milliard (près de 10 fois les profits), dont 1,2 milliard en argent comptant et 500 millions en actions avec droit de vote. Sans être dans le secret des dieux, on peut penser que cette seconde partie de la transaction, par laquelle les actionnaires actuels de Metro ont accepté de céder une partie du contrôle de l'entreprise (16 %) à l'actionnaire principal de l'ancien propriétaire de A&P, la firme européenne GAP, a joué un rôle important dans la conclusion d'un accord. La famille qui possède Sobeys n'aurait jamais accepté de céder ainsi une partie du contrôle de l'entreprise.

Propriété des marchands membres selon une formule proche du regroupement coopératif à ses débuts, Metro inc. est devenue par la suite une société publique dont le capital est dispersé entre les mains de quelques grands actionnaires institutionnels et des milliers de petits actionnaires. Venu d'Europe, le nouvel actionnaire, la société GAP, qui est aussi impliquée dans la distribution alimentaire, pourrait profiter de cette participation dans Metro pour faire une percée sur le marché canadien.

En réaction à la nouvelle, les investisseurs ont fort bien réagi et l'action de Metro s'est appréciée de 13 % au cours de la journée d'hier. Au contraire, l'action de Sobeys a chuté de 7 %.

Outre les actionnaires, il ne fait aucun doute que les agriculteurs et les transformateurs québécois sortent aussi grands gagnants de cette transaction. Eux qui ont été frustrés par la vente de Provigo et qui doivent se battre continuellement pour convaincre les acheteurs ontariens de Loblaw de s'approvisionner au Québec, voilà qu'ils viennent de trouver un allié sérieux pour écouler une partie de leur production sur le riche marché ontarien. À eux désormais de faire la preuve que leurs produits sont aussi intéressants, innovateurs et compétitifs que ceux de leurs concurrents, ce qui ne sera pas toujours facile...

j-rsansfacon@ledevoir.com

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