Quelle gifle !

Les joueurs de la Ligue nationale de hockey (LNH) viennent d'encaisser la défaite la plus cinglante de leur carrière. L'échec est à ce point retentissant qu'il a surpris tous les observateurs, dont la plupart parlaient d'une bataille de titans entre propriétaires et joueurs. Les amateurs seront heureux de retrouver leur sport favori à l'automne, mais il ne fait aucun doute que cette année d'absence aura causé un tort sérieux à cette industrie en difficulté sur le marché très achalandé du divertissement populaire.

La première chose que les membres de l'Association des joueurs de la LNH devraient faire, c'est de congédier leur directeur et négociateur, Bob Goodenow. Rarement dans un conflit de travail a-t-on vu aussi mauvaise évaluation du rapport de force entre les parties! Goodenow avait juré que les joueurs n'accepteraient jamais l'idée d'un plafond salarial; pourtant, ils ont cédé sur toute la ligne.

Désormais, les équipes ne pourront pas consacrer plus de 54 % de l'ensemble des revenus de la ligue à la rémunération des joueurs, au lieu de 75 % avant le lock-out. Pour chaque équipe, le plafond global est fixé à 39 millions, une somme qui pourra augmenter si les revenus de la ligue sont à la hausse, mais aucune équipe ne pourra offrir plus de 20 % de cette somme à un même joueur. En d'autres mots, le salaire maximum, qui peut dépasser les dix millions de dollars par année à l'heure actuelle, vient d'être ramené à huit millions d'un seul coup de baguette magique. De plus, tous les joueurs subissent une baisse immédiate de 24 % de leur salaire. Quant aux recrues, par exemple la jeune vedette Sidney Crosby, elles ne pourront toucher plus de 850 000 $ à leur première saison, une somme qui pourra cependant être bonifiée selon le rendement du joueur.

Cette nouvelle formule de partage des revenus inspirée du football américain présente plusieurs avantages. D'abord, elle permettra une redistribution d'une partie des revenus des dix équipes les plus riches vers les dix équipes les plus pauvres, ce qui permettra à ces dernières d'embaucher de meilleurs joueurs. Elle procède d'une conception selon laquelle les 30 équipes qui se font compétition sur la glace appartiennent, dans les faits, à la même entreprise sur le plan économique. Plus les équipes seront de force égale, plus elles offriront un spectacle de qualité qui profitera à l'ensemble de la ligue, propriétaires et joueurs.

Grâce au plafond salarial, nous n'assisterons plus à cette spirale sans fin des salaires, à moins, bien sûr, que propriétaires et joueurs n'inventent quelque moyen de contourner la règle. Chaque fois qu'une équipe choisira d'embaucher une vedette, elle devra procéder à un rééquilibrage de son alignement pour respecter le total permis de 39 millions.

En tenant tête aux joueurs au point de sacrifier toute une saison, les propriétaires ont fait la démonstration par l'absurde que le navire prenait l'eau. Désormais, les équipes implantées dans des marchés restreints pourront combattre avec une chance raisonnable de succès sportif et financier.

Maintenant qu'un des obstacles majeurs au maintien d'une bonne santé est levé, la Ligue nationale de hockey doit s'attaquer à cet autre problème important qui consiste à regagner l'intérêt et le respect des amateurs. Il y a cette absence d'une année pendant laquelle plusieurs se sont rendu compte qu'ils pouvaient fort bien vivre sans hockey, mais il y a surtout l'indifférence croissante des jeunes et des moins jeunes pour un jeu que la ligue a voulu transformer en sport extrême dans le but évident de conquérir le marché américain, déjà très encombré. Si la ligue ne parvient pas à rendre au hockey ses lettres de noblesse comme sport rapide et excitant pour un public de connaisseurs passionnés, ce n'est certainement pas l'entente de cette semaine qui suffira à relancer une industrie dont la réputation est aussi amochée.

j-rsansfacon@ledevoir.com

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