Des fillettes de dix ans victimes de harcèlement de rue

Jusqu’à quel point la banalisation du harcèlement de rue dont sont victimes des petites filles de 10 ans contribue-t-elle à exacerber le phénomène ? C’est une question troublante que soulève la lecture d’une récente étude démontrant que, dès le plus jeune âge, les fillettes sont victimes de ce qu’on pourrait appeler la pédocriminalité de la rue. Pire : elles n’osent parler de ce qu’elles ont vécu et, si elles le font, leurs propos sont souvent reçus avec un haussement d’épaules.

Une étude qualitative produite conjointement par le Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal (CEAF) et l’UQAM tend le micro à des femmes et des fillettes montréalaises qui racontent comment, dès la plus tendre enfance, circuler dans la rue ou prendre le métro sont devenus des gestes qu’elles ont cessé de faire sans être aux aguets, conscientes qu’elles sont d’une menace qui plane dans l’espace public.

Exagération ? Non, car malheureusement les chiffres sont là pour confirmer que le danger existe. Au Québec, 11 % des femmes affirment avoir été victimes d’une agression sexuelle commise par une personne adulte avant l’âge de 15 ans, selon une étude de l’Institut national de santé publique publiée en 2022. C’est énorme.

L’automne dernier, des chercheuses de l’UQAM ont conclu que deux personnes sur trois, dans un lot de 3300 répondants, avaient vécu du harcèlement de rue en 2020-2021. Dans la rue, dans un parc, sur un trottoir ou un terrain de stationnement, de jour ou de nuit. Fait choquant, plus de la moitié des personnes harcelées ont affirmé n’avoir reçu aucune aide de la part des témoins des événements.

Les témoignages recueillis par le CEAF et l’UQAM racontent la peur de marcher seule dans la rue, les réflexes d’évitement et de camouflage développés par les filles, la honte de relater l’agression survenue en plein jour, les tentatives infructueuses d’interpeller l’entourage pour dénoncer celle-ci. Cet axe des confessions est révoltant, car c’est bel et bien dans la banalisation et l’absence de dénonciation que l’on participe, comme société, à protéger les agresseurs.

Le danger de la banalisation est abyssal. C’est ce qui fait que, dans une école où sévit un enseignant aux mains baladeuses, la loi du silence s’impose, et laisse des victimes dans son sillage. Doublée à la peur de se mêler des affaires des autres, la banalisation laisse de petits et de grands drames se forger dans des maisons, des établissements, des entreprises et aussi dans la rue. On a vu, on a entendu, on a su, mais on n’a pas voulu s’en mêler. Cachez ce drame que je ne saurais voir.

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