L'adaptation climatique à ses balbutiements

Violentes, spectaculaires et funestes, les inondations qui ont ravagé Baie-Saint-Paul font partie de ces phénomènes hydrologiques qui devaient en théorie ne survenir qu’une fois par siècle, mais qui ont frappé le Québec avec une préoccupante régularité ces dernières années.

Au printemps 2011, des inondations qualifiées d’historiques avaient endommagé plus de 2500 résidences dans la vallée du Richelieu. Au printemps 2017, en raison du débordement du bassin-versant de la rivière des Outaouais, plus de 5000 résidences furent inondées. Puis, au printemps 2019, rebelote : plus de 9000 résidences furent touchées dans 310 municipalités situées dans cinq régions du Québec.

Chaque fois, ce sont des centaines de millions de dollars de dommages qui sont répertoriés, et dont la plus grande partie est à la charge de l’État. Ces inondations sont survenues dans des zones 0-20 ans — où la construction n’aurait pas dû être permise, mais que des municipalités avides de taxes foncières ont complaisamment autorisée —, mais aussi dans des zones 0-100 ans.

Ces désastres à répétition ont conduit à une certaine prise de conscience de la part du gouvernement.

D’emblée, il est évident que les programmes d’indemnisation destinés aux sinistrés ne sont plus soutenables si les résidences, que les propriétaires avaient le droit de remettre en état dans bien des cas, risquent de subir avant longtemps les mêmes dommages. Il a fallu convenir que l’aménagement du territoire était déficient et que plusieurs devaient se résigner à abandonner leur maison.

Par ailleurs, le gouvernement caquiste a constaté que personne n’était vraiment responsable de cartographier le territoire. On ne s’entendait même pas sur la définition de zone inondable. Les évaluations manquaient souvent de rigueur, si tant est qu’elles existassent. En 2021, le gouvernement caquiste a fait adopter la Loi instaurant un nouveau régime d’aménagement dans les zones inondables, accompagnée par une révision en profondeur de leur cartographie.

En revanche, dans un rapport dévoilé à la fin avril, le commissaire au développement durable constatait que pour le seul enjeu de l’érosion côtière, il n’existait aucun plan de gestion intégrée, que les trois ministères concernés (Transport, Environnement et Sécurité publique) n’agissaient pas de façon concertée et que les connaissances en la matière étaient « manquantes ».

Commandée par l’Union des municipalités du Québec (UMQ), une étude des consultants WSP et du consortium Ouranos, rendue publique tout juste avant les dernières élections, évalue à 2 milliards par an jusqu’en 2055 les frais que les municipalités québécoises devront engager pour s’adapter aux changements climatiques, soit 12 % de leurs dépenses actuelles.

Dans son point de presse de mardi, François Legault a remis en question l’énormité de la somme réclamée. Il a rappelé que son gouvernement s’était engagé à verser 1,2 milliard en cinq ans pour l’adaptation aux changements climatiques. En outre, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, annoncera sous peu quelle part des nouveaux crédits de 1,4 milliard du Plan pour une économie verte sera réservée à cette fin. « Déjà, on en fait beaucoup », a soutenu le premier ministre.

Même si on peut chipoter sur le chiffre avancé par l’UMQ et sur la contribution que les municipalités devront apporter de leur côté, les sommes que le gouvernement Legault a déjà mises sur la table, soit une moyenne de 240 millions par an, apparaissent nettement insuffisantes.

En matière d’adaptation aux changements climatiques, le Québec en est encore aux balbutiements. Le gouvernement ne peut plus se contenter de réagir aux urgences et de réparer à grands frais les dégâts. Il ne peut continuer de se priver d’un plan d’ensemble bien financé et d’une planification à moyen terme.

Sans cela, il en coûtera de toute façon plus cher, en argent comme en drames humains.  

À voir en vidéo