L'école n'est pas un lieu de prière
La prière n’a pas sa place à l’école. On n’aura pas fait 60 années de chemin laborieux mais constant pour sortir la religion de nos établissements d’enseignement pour voir la laïcité rognée dans les coins au sein de nos institutions publiques. Réaffirmer la laïcité de l’État, particulièrement à l’école, revêt une importance capitale.
S’il faut encore aujourd’hui souligner à grands traits cette évidence, c’est que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a dû publier une directive la semaine dernière visant à interdire les locaux de prière dans les écoles. Sa sortie publique faisait suite à des événements dans deux écoles secondaires publiques de Laval qui avaient aménagé des lieux de « ressourcement » pour permettre la prière à des élèves de confession musulmane, alors en plein ramadan. Les directions d’école ont expliqué avoir consenti à ces accommodements après avoir constaté que des élèves priaient dans des espaces non sécuritaires, comme le stationnement. L’adaptation volontaire partait d’une bonne intention.
Depuis la publication encore encensée du rapport Parent dans les années 1960 — dont l’une des propositions phares fut de remplacer les commissions scolaires catholiques et protestantes par des commissions scolaires non confessionnelles —, le Québec a franchi plusieurs étapes importantes pour ancrer la laïcité au sein de ses écoles. La dernière de ces étapes fut l’avènement de la Loi sur la laïcité de l’État, qui a surtout fait couler de l’encre pour l’interdiction du port de signes religieux qu’elle consacre, mais qui, dans les faits, tient sa plus grande noblesse dans une réaffirmation sans équivoque de l’État québécois sur la primauté de la laïcité dans les institutions publiques, dont les écoles.
Les écoles ne sont pas des lieux de culte et ne doivent pas être tenues d’instituer en leurs murs des espaces de prière permanents. Cette affirmation d’apparence limpide était inscrite noir sur blanc dans le rapport Fonder l’avenir. Le temps de la réconciliation, produit au terme de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, mieux connu sous l’appellation rapport Bouchard-Taylor. Rappelons-nous : c’était en 2008, au terme d’une période tumultueuse au Québec où les perceptions, hélas, l’avaient emporté sur le réel. Amplifiés par le porte-voix des médias, des accommodements socioculturels qui n’en étaient pas avaient donné l’impression que les milieux de l’éducation et de la santé bradaient leurs valeurs laïques au gré de caprices et entêtements confessionnels. Ça n’était pas vraiment le cas, mais la publication de ce rapport toujours instructif avait permis de remettre les pendules à l’heure, notamment sur la prière à l’école.
Attention : le ministre Bernard Drainville n’a pas interdit la prière, une pratique très personnelle qui appartient aux élèves, à qui on n’empêchera pas des moments de recueillement. Mais il a réaffirmé haut et fort que l’école n’a pas à organiser ses espaces en fonction de ces sphères privées. C’est exactement ce dont nous avons besoin et là où nous en sommes, 60 ans après le rapport Parent : exprimer une fermeté sur les valeurs et normes fondamentales qui gravitent autour de la laïcité de l’État.
Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.