Jouer à la roulette russe avec la sécurité du public

L’homme de 35 ans qui aurait poignardé à mort lundi la policière Maureen Breau, à Louiseville, était en probation au moment où il a été appréhendé chez lui par les policiers de la Sûreté du Québec. À plus d’une reprise, en raison de troubles mentaux, on l’a déclaré non criminellement responsable d’actes violents qu’il a commis. La Commission d’examen des troubles mentaux (CETM), devant laquelle il devait à nouveau comparaître en mai, l’avait autorisé en 2022 à résider hors d’un hôpital psychiatrique, et ce, malgré le fait qu’« il représentait un risque important pour la sécurité du public ». Cette décision était assortie d’une condition : qu’il bénéficie d’un encadrement et d’un suivi appropriés.

Le suspect, Isaac Brouillard Lessard, est mort lors de cette intervention policière. Depuis, deux questions brûlent les lèvres : avait-on bien évalué le risque et, surtout, l’homme bénéficiait-il de l’encadrement et du suivi imposés par la CETM ? La policière Maureen Breau a-t-elle payé de sa vie une remise en liberté qui n’aurait pas dû avoir lieu ?

Les psychiatres chargés de l’ingrate mais cruciale tâche d’accorder les retours en société de ces personnes malades travaillent en zone grise. De l’extérieur, on dirait presque qu’ils jouent à la roulette russe. Ils doivent déterminer le risque pour la sécurité du public d’un multirécidiviste aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, un doublé explosif. Même si les cas de meurtre comme celui survenu en début de semaine constituent l’exception, comme le confirment les statistiques, des questions se posent. L’été dernier, un triple homicide survenu à Montréal et à Laval, impliquant Abdulla Shaikh, atteint de schizophrénie et aussi connu de la CETM, a tourné autour des mêmes enjeux.

Si les psychiatres jaugent le caractère sécuritaire d’un retour à la vie publique de ces personnes en s’appuyant sur un « encadrement et un suivi serrés », ils auraient peut-être intérêt à resserrer ou même à revoir leurs critères. La vérité est qu’encore aujourd’hui, et malgré des besoins criants, cette zone de soins s’apparente à un désert.

Le Québec a été le théâtre récent de plusieurs tragédies meurtrières mettant en scène des suspects connus pour avoir des problèmes de santé mentale. On ne pourra jamais éviter toutes ces folies meurtrières, peu importe le tapis de ressources déroulé, mais on en réduira certainement l’incidence en donnant au secteur de la santé mentale l’importance qui lui revient.

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