L’incendie du Vieux-Montréal révèle la pénurie de leadership dans l’encadrement d’Airbnb
Au lendemain de l’incendie qui a coûté la vie à sept personnes dans le Vieux-Montréal, nous avons observé les politiciens québécois sous un bien mauvais jour. Alors que les cadavres des victimes traînaient encore dans les décombres d’un immeuble de la place D’Youville utilisé à des fins illégales de location sur Airbnb, ils se renvoyaient la balle sur la responsabilité de cette tragédie.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, se dégage de toute responsabilité en demandant au gouvernement du Québec d’ajouter des inspecteurs pour superviser les locations à court terme sur Airbnb. La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, se défend d’avoir fait preuve de laxisme dans l’encadrement de la plateforme de la multinationale américaine. Elles ont toutes les deux tort et protègent leurs arrières comme elles le peuvent.
À ce que l’on sache, l’inspection des immeubles pour des questions de sécurité est encore une responsabilité de la Ville de Montréal. Des chambres sans fenêtre, des sorties de secours insuffisantes, une absence d’avertisseurs de fumée : l’immeuble de la place D’Youville aurait dû susciter une attention accrue des autorités municipales. Le manque de ressources ne saurait être une excuse permanente dans une ville qui dépense annuellement 363 millions de dollars en sécurité incendie.
Quant à la ministre Proulx, elle a semé une déroutante confusion, en affirmant à tort que les inspecteurs de Revenu Québec n’étaient pas chargés de faire respecter la Loi sur l’hébergement touristique avant de se raviser. Elle a promis de resserrer la loi pour les plateformes comme Airbnb, une intention qui entre en contradiction avec la décision récente du gouvernement Legault de permettre la location à court terme pour les résidences principales dans l’ensemble des municipalités du Québec à compter du 25 mars.
Il est difficile de s’y retrouver dans les intentions de la Coalition avenir Québec. D’un côté, elle déréglemente la location touristique à court terme, ouvrant la porte toute grande à Airbnb. De l’autre, elle sermonne en privé la multinationale en promettant de resserrer les règles régissant ses activités.
Sentant la soupe chaude, la multinationale Airbnb a annoncé de son propre chef, vendredi, qu’elle exigerait dorénavant que ses hôtes respectent les lois québécoises en s’inscrivant auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ). Ceux qui ne sont pas enregistrés verront leurs annonces retirées. Cette mesure s’imposait de longue date, et il est triste qu’il ait fallu une tragédie pour qu’on la mette en application.
Quant au gouvernement Legault, attentiste face à Airbnb, il ne devrait pas se satisfaire des assurances fournies par l’entreprise. Québec devrait songer à imposer de sévères amendes à la plateforme et aux hébergeurs qui seraient pris en défaut de certification de la CITQ. Les réformes volontaires se déposent mieux dans l’inconscient des entreprises lorsqu’elles doivent payer le prix de leurs errements. Cette façon de faire sera plus simple et efficace que de multiplier les inspections sur le terrain avec des ressources qui seront toujours en nombre insuffisant.
Enfin, il y a tout un imbroglio à démêler sur les responsabilités du propriétaire de l’immeuble, Emile-Haim Benamor, et d’un locataire qui aurait sous-loué les logements de la place D’Youville, Tariq Hasan. La conduite de ces deux hommes devrait être examinée de près pour que nous puissions tracer, à la mémoire des victimes, la fine ligne de démarcation entre le bête accident et la négligence criminelle ayant causé la mort.