Les citoyens de Rouyn-Noranda ont perdu face à la Fonderie Horne
Puisque le poison demeurera toujours présent dans les environs de la Fonderie Horne, éloignons les citoyens du poison et rebâtissons-leur un ailleurs où il fait bon respirer. Soixante ans après les premiers signaux d’alarme envoyés par des experts, le gouvernement du Québec se résigne devant un constat d’échec retentissant : comme il ne peut garantir qu’il tiendra en bride la multinationale Glencore en lui imposant la norme sécuritaire de 3 nanogrammes d’arsenic par mètre cube (ng/m3) dans l’air, il plie mollement le genou et déplace le problème ailleurs.
Dans cette situation empoisonnée où personne, véritablement, ne pourra lever un fier bras de la victoire, les citoyens du quartier où l’usine métallurgique tient ses activités depuis 1927 demeurent incontestablement de grands perdants. Non seulement on a toléré en toute connaissance de cause, gouvernement après gouvernement, une situation néfaste pour leur santé et des niveaux de polluants effarants, mais la conclusion lamentable d’une équation où s’additionnent économie, politique et santé publique leur retourne en outre la responsabilité de la solution. Messieurs dames, l’environnement est trop néfaste pour y vivre, déménagez donc vos pénates ailleurs.
Le gouvernement de la CAQ s’est retrouvé coincé avec cette « patate chaude », que d’autres avant lui ont ignorée. On ne peut pas lui reprocher l’indolence caractéristique des autres : il a eu le courage de mettre en corrélation les velléités et les capacités de l’entreprise, les préoccupations et souhaits de la population et les avis des experts de santé publique. Mais, disons-le franchement, dans l’absolu, ces trois cadrans sont inconciliables. Au fil du temps, des compromis sont apparus. Plutôt que de cibler uniquement la valeur phare de 3 ng/m3, on a vu la Santé publique parler d’une « valeur repère » de 15 ng/m3, l’objectif acceptable pour les populations les plus vulnérables. Plutôt que de réfuter tout plan de réaménagement moins polluant, on a vu Glencore et sa Fonderie Horne promettre la construction d’une nouvelle section de l’usine qui viendrait réduire les émissions à la source en plus de mettre en place des améliorations transitoires d’ici 2027. Mais les citoyens, eux, sont restés campés sur leur position : en vaste majorité, ils auraient souhaité que le gouvernement ne se contente pas de l’acceptable, mais impose le « sécuritaire » pour continuer à vivre aux abords de l’usine.
Ce n’est pas le scénario retenu. Dans un mémoire percutant remis au gouvernement lors de la consultation citoyenne menée par Québec en prévision du renouvellement de l’autorisation ministérielle à la fonderie, une résidante de Rouyn-Noranda relate le long chemin de batailles et de révolte que sa propre famille et la population ont franchi pour en arriver à ce « faux choix » que le gouvernement fait miroiter en consultant la population : la santé des citoyens ou le maintien d’une entreprise et de ses 650 emplois ? Des recommandations criées à la volée aux enfants qui jouaient dehors par sa grand-mère et sa mère après elle — « Rentrez ! Ça goûte trop la mine ! » — jusqu’à ses propres prises de conscience de la vie adulte, cette femme raconte la colère et le découragement d’une population abandonnée à son sort.
Le gouvernement annonce donc le déplacement de 200 foyers, qu’il finance en versant 58 millions. Hors de la zone pestiférée, les citoyens sont invités à acheter une nouvelle demeure ou à espérer un espace dans les habitations promises par la CAQ. Pour plusieurs, la dépense aurait dû incomber en totalité à l’entreprise milliardaire, qui rachètera pour sa part le terrain récupéré pour une somme de 30 millions de dollars. Mais on empile les absurdités dans ce dossier, toujours sur le thème de l’asservissement public face à la toute-puissance entrepreneuriale. Dans ce dernier chapitre triste et sordide pour les résidents, qui espéraient que l’entreprise serait mise au pas, souhaitons que les tractations se fassent avec dignité, générosité et élégance. Ce serait bien la moindre des choses.