Trudeau et la santé: le cataplasme

Après deux ans et demi de revendications de la part des premiers ministres des provinces et des territoires, Justin Trudeau leur a donné en pâture le sixième de ce qu’ils réclamaient pour la mise à niveau des systèmes de santé. La montagne a accouché d’une souris.

L’offre d’Ottawa semble à prendre ou à laisser. Ce sont 13 premiers ministres résignés qui se sont présentés devant les médias mardi, y compris François Legault, qui, manifestement, avait décidé d’avaler la pilule stoïquement. À l’Assemblée nationale mercredi, il a donné l’assurance que le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, disposerait tout de même des sommes dont il a besoin pour sa « refondation » du réseau de la santé, quitte à augmenter le déficit de l’État.

Ça n’empêchera pas le chef caquiste et son candidat Victor Pelletier de faire campagne dans Saint-Henri–Sainte-Anne en promettant des baisses d’impôt, un engagement pris lors des dernières élections générales. On n’en est pas à une contradiction près, contradiction que ne manquera pas de relever le gouvernement Trudeau.

Dans un élan de marketing politique, Ottawa a gonflé à l’hélium la somme supplémentaire qu’il versera au cours des dix prochaines années, soit 196 millions. En réalité, il s’agit d’une hausse réelle de 46,2 milliards pour l’ensemble des provinces et des territoires, dont 20 milliards pour l’augmentation du Transfert canadien en matière de santé (TCS) et le reste dans le cadre d’ententes bilatérales assorties d’une forme de reddition de comptes.

Nous sommes très loin de l’entente globale — et asymétrique pour le Québec — que Paul Martin avait signée en 2004 avec ses homologues provinciaux. Toutes proportions gardées, compte tenu de l’augmentation des dépenses en santé des provinces depuis, l’offre de Justin Trudeau équivaut à environ 40 % de la somme qu’Ottawa avait mis sur la table à l’époque.

Québec reçoit donc un seul des six milliards qu’il revendiquait. Un point positif : l’indexation annuelle de 5 % du TCS, au lieu des 3 % actuellement, ce qui signifie que la part en pourcentage assumée par le fédéral ne diminuera pas, comme auparavant. Mais cette indexation, correspondant à la croissance des dépenses des provinces en santé, n’est valable que pour cinq ans. Rien ne justifie ce retour en arrière, d’autant plus que la demande pour les soins de santé prodigués par les régimes publics ira en s’accentuant pour atteindre un sommet au début de la prochaine décennie en raison du vieillissement de la population et de la forte croissance des coûts des technologies et des traitements à la fine pointe.

Ottawa pare au plus pressé sans pleinement tenir compte des énormes défis auxquels font face les systèmes de santé en matière d’organisation, d’informatisation et de ressources humaines. C’est somme toute un cataplasme qu’on applique sur une jambe de bois, une offre — on ne peut pas parler d’entente — qu’on sera forcé de revoir d’ici quelques années au vu de la détérioration de la situation financière des provinces.

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