Laval, 8h30: l’innocence de la petite enfance fauchée

Laval, 8 h 30. Lors de n’importe quel jour normal, il n’y a pas d’histoire à raconter. En banlieue comme ailleurs, les parents et les enfants se préparent pour aller au travail, à l’école ou à la garderie. Personne ne s’attend à ce que la routine se transforme en marche funèbre. Personne n’imagine rencontrer, dans le champ de ruines de la détresse, un homme assez imbu de sa monstruosité pour faucher la joie dans son expression la plus précieuse… des bambins immaculés de l’innocence propre à la petite enfance.

Laval, 8 h 30. Un chauffeur d’autobus de la Société de transport de Laval (STL), Pierre Ny St-Amand, fonce dans une garderie du quartier Sainte-Rose. Il tue deux enfants et il en blesse six autres, qui sont hospitalisés, mais dont la vie ne serait plus en danger. Il endeuille des parents, des familles, des amis, petits et grands. Il traumatise tout un quartier, une ville, une nation, sous le choc devant tant de cruauté et d’inhumanité.

Le parcours qu’il a emprunté ne laisse planer aucun doute sur le caractère prémédité de son geste. Les détours et les virages qu’il a dû effectuer pour percuter de plein fouet la garderie située dans un cul-de-sac, à l’heure où les parents vont conduire leurs marmots dans ce nid douillet, laissent présager qu’il savait parfaitement ce qu’il faisait et qu’il avait planifié son crime odieux.

Des accusations de meurtre prémédité, de tentative de meurtre et de voies de fait graves ont été déposées en soirée contre l’homme de 51 ans. Il sera soumis à une évaluation psychiatrique, compte tenu des circonstances du geste. Après avoir foncé dans la garderie, il s’est mis flambant nu, prêt à en découdre aux poings avec des parents pris de stupeur qui ont dû s’y mettre à quatre pour le maîtriser avant l’arrivée des policiers.

Psychose ? Détresse mentale ? Vengeance d’une pure insensibilité ? Mélange de tout ça ? Pour le moment, il est difficile de tirer des conclusions définitives et de cerner le mobile de ce crime crapuleux. Les autorités ont écarté la piste de l’acte terroriste, c’est déjà un début.

Vidéo | Après le choc, comment faire face au traumatisme?

 

L’enquête policière permettra de tirer l’affaire au clair. Dans le cadre des procédures judiciaires, nous pourrons établir si Pierre Ny St-Amand était en état de distinguer le bien du mal, et s’il peut être tenu criminellement responsable de ses actes. Ce sera un processus long, frustrant pour les familles endeuillées et traumatisées qui voudront des réponses immédiates. Et nous les comprenons.

L’examen de cette triste histoire ne devrait pas s’arrêter à l’enquête policière. Le maire de Laval, Stéphane Boyer, a sauté vite aux conclusions en affirmant que personne n’aurait pu prédire cet acte innommable et que les municipalités devaient en faire plus en prévention des problèmes de santé mentale. Solidaire dans le drame, la STL s’est montrée avare de commentaires sur la prise en charge de son employé.

Il est difficile d’imaginer que son état d’esprit ait pu se détériorer comme par magie à Laval à 8 h 30. Les bombes à retardement prennent du temps à gonfler de rancoeur et de désarroi avant d’éclater.

Il est possible que la STL n’ait pas vu les signes avant-coureurs de la détresse de Pierre Ny St-Amand. Un employeur n’est ni clinicien, ni confident, ni psychologue, même si on lui demande d’être un peu tout ça en même temps en ce monde postpandémie. Mais quand un de ses chauffeurs prend le large avec un de ses autobus pour tuer des enfants innocents, il faut nécessairement poser à cet organisme d’autres questions, certes désagréables, dans un forum public comme une enquête du coroner.

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