Le projet de loi C-21 est-il pris dans une impasse?

Le dérapage navrant du projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu est le résultat d’une mauvaise planification et d’une consultation bâclée par les libéraux de Justin Trudeau. En annonçant il y a quelques jours que C-21 retournait à la table à dessin, Ottawa a rassuré les uns et inquiété les autres. La division des camps s’accentue. Espérons que ce projet de loi essentiel ne finira pas dans une impasse.

Sur le principe d’un meilleur contrôle des armes à feu visant à sauver des vies humaines, le consensus est parfait. Personne ne s’oppose à la noblesse des intentions. Mais le diable est dans les détails et, en matière d’armes à feu, les détails s’accumulent. Qu’il suffise de dire que le tableau de référence des armes à feu contient 200 000 marques et modèles pour qu’on comprenne sans effort que distinguer dans un tel lot les armes à prohiber n’est pas une mince tâche.

C’est en dressant la liste des armes à interdire, fin novembre, que le gouvernement libéral a provoqué colère et consternation non seulement du côté des lobbys proarmes et des conservateurs, mais aussi chez les chasseurs et les Premières Nations, qui retrouvaient soudainement dans cet index des outils nécessaires. On l’a déjà dit : les deux amendements sortis du chapeau fin novembre sans préparation ni consultation adéquate n’ont réussi qu’à semer la confusion et à diviser les troupes. Voilà le malheureux risque que l’on court quand on bâcle un matériau législatif d’une telle importance : éloigner les parties prenantes plutôt que les rapprocher.

Pris de court par le tollé, les libéraux de M. Trudeau ont promis en décembre qu’ils allaient effectuer les rectifications nécessaires, quitte à revoir la liste et à retirer des armes de chasse si nécessaire. Cette promesse ne pouvait être plus à propos. En annonçant il y a quelques jours qu’il retirait complètement les deux amendements controversés — la définition de ce qu’est une « arme prohibée » et la liste des armes prohibées —, le gouvernement a soulagé un camp pour en enflammer un autre. Si les défenseurs de la chasse poussent en effet un soupir de soulagement, le groupe PolySeSouvient se désole de voir que « la désinformation » a eu raison des travaux parlementaires.

Ce n’est pas totalement vrai. Si le projet de loi soumis à l’étude attentive du Comité permanent de la sécurité publique et nationale y était arrivé dans une forme complète, composée après consultation de l’ensemble des groupes visés et des experts, peut-être ne serions-nous pas ici face à ce capotage, qui fait craindre pour la suite. Mais une mauvaise préparation n’a servi qu’à diviser les camps, comme si le Canada était le reflet de la guerre de lobbys qui se joue aux États-Unis, alors que ça n’est absolument pas le cas.

Le projet de loi C-21 demeure essentiel pour lutter contre la violence armée et interdire des armes qui ne devraient pas être en circulation. En proposant un amendement qui dressait la liste des armes prohibées, le gouvernement a créé une division artificielle qui n’existait pas à l’origine et dont il est le seul responsable. Qu’il se concentre sur la définition de ce que devrait être une arme d’assaut de type militaire, à prohiber, et il réussira peut-être à rallier les camps autour de l’essentiel : lutter contre la violence armée.

À voir en vidéo