Trop peu, trop tard
Niteïyah Chilton, 7 mois, 2022. Sakay-Ann Ottawa, 8 ans, 2016. Jaylia Jacob, 2 ans, 2009. Trois petites qui ont en commun d’être probablement décédées parce qu’elles ont eu accès à des soins hospitaliers trop tard, les services d’urgence ayant mis trop de temps à se rendre dans leur communauté et berceau, Manawan, située dans Lanaudière.
Le rapport de la coroner Géhane Kamel sur le décès de la petite Niteïyah, morte des suites d’une méningite bactérienne en avril dernier, laisse peu de doute sur le rôle fatal qu’a joué le délai de 8 h 30 entre le premier appel d’urgence et l’arrivée du bébé au CHU Sainte-Justine, à Montréal. 8 h 30. L’équipe d’ambulanciers de Manawan était débordée et n’a pas pu accourir au premier appel. Il a fallu attendre 1 h 48 min pour que les ambulanciers de Saint-Michel-des-Saints, ville située à 90 km de la communauté atikamekw de Manawan, n’arrivent. L’admission à l’hôpital de Joliette avec le poupon en détresse est survenue 5 h 30 après le premier cri d’alarme au 911. Le transfert à l’hôpital pour enfants de Montréal fut complété trois heures après. Il était trop tard.
C’est une histoire à glacer le sang, bien sûr, et qui remet en lumière l’importance pour les communautés éloignées de disposer d’équipements, de ressources et de processus destinés à répondre promptement aux urgences, car il en va de la vie des patients. À la tristesse et la colère qui remuent les parents éplorés, ajoutons l’indignation, car nous ne pouvons pas plaider l’ignorance. Deux coroners avant Géhane Kamel avaient noté un lien probable de cause à effet entre les décès de membres de la communauté de Manawan et l’absence de réponse rapide, en plus d’avoir revendiqué une offre de services d’urgence adéquate. Le peuple invisible gronde d’être aussi peu entendu, en plus de n’être pas vu. Et il a raison. Combien de morts faudra-t-il pour que des gestes soient posés ?
Le gouvernement du Québec affirme travailler en ce sens. En juin dernier, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a en effet annoncé une série d’actions soutenant la Politique gouvernementale sur le système préhospitalier d’urgence, comprenant notamment une meilleure couverture ambulancière régionale et des services de paramédecine communautaire. Mais le risque de heurter le mur du manque de ressources humaines est élevé. Fort de son lourd historique, Manawan se tourne vers le transport héliporté, en espérant que, par voie aérienne, on pourra sauver des vies…
Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.