Conseil des ministres: l’embarras du choix

C’est jeudi que François Legault désignera lesquels parmi ses 89 députés feront partie du saint des saints de son gouvernement. Il est inévitable qu’un certain nombre de candidats de valeur soient laissés de côté et que des ministres de l’ancien gouvernement puissent être écartés, autant d’ego meurtris qui lécheront leurs plaies. Le choix, quand il y en a trop, peut devenir un véritable embarras pour un premier ministre.

François Legault serait toutefois mal avisé de céder à la tentation de multiplier les fonctions ministérielles pour ainsi édulcorer les responsabilités et créer des chevauchements improductifs. En 2002, le premier ministre péquiste Bernard Landry était tombé dans ce travers avec la formation d’un cabinet pléthorique de 36 membres, comptant entre autres 17 ministres délégués et quatre secrétaires d’État, dont on pouvait se demander à quoi il servait sauf à acheter la paix.

Le Conseil des ministres actuel est composé de 26 membres. Trois ministres ont choisi de ne pas se représenter : Marguerite Blais, responsable des Aînés ; Danielle McCann, à l’Enseignement supérieur ; et Nadine Girault, aux Relations internationales. Tous ceux qui sont restés ont été réélus : François Legault devra composer avec eux. S’ajoutent quelques grosses pointures et candidats d’intérêt que le chef caquiste a recrutés. On pense à Suzanne Roy, l’ancienne présidente de l’Union des municipalités du Québec ; à l’ex-p.-d.g. du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Sonia Bélanger ; à l’ex-gestionnaire d’Ubisoft Céline Haytayan ; à la première femme autochtone élue à l’Assemblée nationale, Kateri Champagne Jourdain.

N’oublions pas l’ex-journaliste Martine Biron. Quand François Legault l’a présentée comme candidate dans Chutes-de-la-Chaudière, il a parlé de leur passion commune : l’éducation. Et il y a l’incontournable Bernard Drainville. Quand François Legault était à ses côtés pour annoncer sa candidature dans Lévis, le chef caquiste a évoqué l’énergie et les ressources naturelles. Évidemment, c’était avant que les appétits de Pierre Fitzgibbon ne se manifestent.

En 2018, le nouveau premier ministre a dû former son cabinet avec des élus sans expérience ministérielle et, souvent, avec des novices qui n’avaient jamais été députés. Cela vient avec une part d’inconnu. En dépit d’indéniables compétences sur le papier, MarieChantal Chassé n’a fait que quelques mois comme ministre de l’Environnement. Danielle McCann s’est cassé les dents à la Santé, récoltant le prix de consolation de l’Enseignement supérieur. La fidèle Sylvie D’Amours a trébuché aux Affaires autochtones.

En 2022, cette part d’inconnu est considérablement réduite. Le premier ministre peut compter sur des piliers que sont Christian Dubé, à la Santé et aux Services sociaux, Eric Girard, dont on ne peut imaginer qu’il se voit confier autre chose que les Finances, et le déjà superministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon. Il faut aussi compter Sonia LeBel, actuellement présidente du Conseil du trésor et ministre responsable des Relations canadiennes, qui pourrait se retrouver ailleurs — à l’Éducation, ont avancé certains —, ainsi que Simon Jolin-Barrette, qui était encore mercredi leader parlementaire et ministre de la Justice. Avec 41 % des élus caquistes qui sont des femmes, atteindre la zone paritaire au sein du cabinet ne devrait pas causer de difficultés.

En 2018, le gouvernement caquiste jouissait d’un effet de nouveauté ; il a aussi rempli, en dépit de la pandémie, un nombre honorable de ses promesses électorales. Mais des engagements majeurs sont restés en plan. C’est le cas en santé, où Christian Dubé a promis de réaliser une « refondation » du système. Les difficultés abondent : lacune de la première ligne, graves retards dans les interventions chirurgicales et les examens diagnostiques, pénurie d’infirmières. À cet égard, il semble que ça se bouscule au portillon pour prêter main-forte au ministre. Déjà, Lionel Carmant, spécialisé en santé mentale, est ministre délégué. L’ex-infirmière Shirley Dorismond se veut partante et Sonia Bélanger voudra sans doute jouer un rôle important.

En environnement, le gouvernement Legault devra afficher plus de détermination. En matière d’immigration, il a tout une côte à remonter et doit changer de discours. Il aurait besoin d’un ministre « à clientèles », un bon communicateur capable de s’adresser aux gens sans les antagoniser. Certains voient l’actuel ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, dans ce rôle délicat.

Enfin, il reste la priorité des priorités : l’éducation. Ce portefeuille requiert un titulaire fort, capable d’alimenter la réflexion — n’a-t-on pas parlé de tenir des États généraux ? — et de réparer les failles d’un système qui manque d’enseignants et qu’on ne peut laisser à la merci de théoriciens et de leurs chapelles.

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