Fitzgibbon, ministre extralarge

En tant que ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon en menait large, très large. François Legault n’a pas caché que ce pilier de son cabinet serait reconduit dans ses fonctions.

Mais voilà qu’on apprend que le premier ministre envisage de créer un superministère économique, taillé sur mesure pour M. Fitzgibbon, qui avalerait le portefeuille de l’Énergie — c’est-à-dire la responsabilité d’Hydro-Québec et de la stratégie énergétique du gouvernement. Déjà, c’est Pierre Fitzgibbon qui avait défini les orientations, tout à l’Économie, de la présence du Québec à l’étranger, bien qu’il ne portât pas le titre de ministre des Relations internationales.

C’est la p.-d.g. d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, qui a attaché le grelot lors d’une entrevue avec Paul Arcand mercredi. Commentant des rumeurs portant sur son départ, elle a insisté sur l’intégrité du « cadre de gouvernance » de la société d’État et les besoins du « système énergétique » québécois. Dans son Plan stratégique 2022-2026, Hydro-Québec met l’accent sur l’accélération de la transition énergétique et sur « son rôle central dans l’instauration d’une économie verte et durable ». Le plan avançait que, pour atteindre la carboneutralité en 2050, le Québec aurait besoin de 100 térawattheures (TWh) de plus, soit 50 % de la capacité actuelle d’Hydro-Québec, l’équivalent de 12 complexes de La Romaine.

De son côté, Pierre Fitzgibbon, tel un formidable voyageur de commerce, a multiplié les démarches à l’étranger afin d’attirer des entreprises d’envergure en se présentant avec un solide argument de vente : de l’énergie verte à prix (encore) alléchant. Il est revenu avec quelque 50 projets d’investissement dans sa besace, auxquels s’ajoutent les projets de décarbonation et d’expansion des alumineries déjà présentes sur le territoire, une activité industrielle des plus énergivores. Tous ces plans totaliseraient une consommation de 15 TWh, une énergie dont nous ne disposons pas.

En assumant la responsabilité de la stratégie énergétique et d’Hydro-Québec, le superministre économique pourrait choisir les entreprises auxquelles on fournirait l’électricité en tenant compte des retombées économiques qu’elles généreraient et de leur importance stratégique. Ce ministère est mieux placé que la société d’État pour faire l’évaluation du potentiel d’affaires des différents projets par rapport à leur demande énergétique, fait-on valoir.

Or, il y a des arbitrages à faire entre le développement économique et l’atteinte des objectifs de carboneutralité. Ainsi, les nouvelles sources d’électricité, forcément limitées, peuvent servir à alimenter de nouvelles entreprises ou à décarboner des activités existantes. Dans le premier cas, c’est la croissance économique qui prévaut ; dans le deuxième, c’est l’objectif de la carboneutralité.

L’effet sur les tarifs d’Hydro-Québec est aussi capital. Que l’on parle d’éolien ou de nouveaux barrages, l’énergie supplémentaire coûtera beaucoup plus cher que les sources actuelles. Il en découle que plus on aura de ces nouvelles activités économiques, plus le coût moyen de la fourniture d’électricité grimpera. Il y a donc un équilibre à trouver entre la croissance économique associée à des apports énergétiques coûteux, la hausse des tarifs et les objectifs climatiques. Pas sûr que de confier ces éléments difficilement conciliables à un seul mégaministre, apte à se comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, est la plus sage des décisions.

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