Engagements électoraux: les yeux plus grands que la panse
D’ici la fin de la campagne électorale, l’équipe éditoriale du Devoir proposera une analyse des principaux engagements des partis politiques sur des thématiques qui interpellent l’ensemble des Québécois. Aujourd’hui : les cadres financiers.
n août dernier, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, a donné son imprimatur au rapport préélectoral que lui a présenté le ministère des Finances, comme c’est maintenant la norme. La VG porte un jugement sur le caractère plausible des projections établies par le ministère et sur la solidité des hypothèses qui ont servi à concevoir ce cadre financier quinquennal. En l’occurrence, elle a conclu que le portrait était plausible, tout en soulignant l’incertitude qui plane sur le contexte économique.
C’est un outil précieux pour les partis politiques, qui peuvent chacun élaborer — à partir des mêmes bases — le cadre financier de leur plateforme électorale sur une période de quatre ou cinq ans.
Dévoilé à deux semaines du déclenchement des élections, le rapport préélectoral contenait d’excellentes nouvelles pour des partis qui veulent multiplier les engagements électoraux. En quelques mois seulement, le déficit prévu pour l’année en cours avait fondu, passant de 6,45 milliards de dollars à 729 millions après les versements au Fonds des générations. L’heure n’est pas à l’austérité ni à la sobriété, mais à la prodigalité, ont compris les protagonistes.
Or, une bonne partie de l’embellie que connaissent les finances publiques vient de l’inflation, qui a gonflé les revenus autonomes de l’État tout en rognant le pouvoir d’achat de la population. Il va de soi qu’on cherche à remettre une part de cette manne aux citoyens. Le contexte se prête à des mesures ponctuelles, comme le crédit d’impôt unique du dernier budget Girard ou le chèque que François Legault a promis pour décembre. Mais tant le Parti libéral du Québec que la Coalition avenir Québec ont choisi d’offrir une baisse d’impôt, ce qui grève les revenus de l’État de façon permanente.
Jadis associé à l’austérité, le PLQ n’y est pas allé de main morte. Dominique Anglade a présenté des engagements qui totalisent 41 milliards de dollars en cinq ans, rivalisant avec les largesses de Québec solidaire qui, au moins, peut se dire motivé par des desseins socialistes. Près de 29 milliards des mesures libérales sont de nature récurrente, dont une baisse d’impôt et une allocation pour les aînés. Un peu à la manière de QS, le PLQ de Dominique Anglade hausse les impôts des « super-riches » et taxera les géants du numérique. La lutte contre les paradis fiscaux est aussi à son programme. Malheureusement pour les libéraux, une malencontreuse erreur de 16 milliards est venue brouiller leur cadre financier. Quand ça va mal, ça va mal.
La CAQ a promis de baisser les impôts, une mesure financée en partie par une réduction des versements au Fonds des générations, mais presque deux fois moins que le PLQ. Son allocation aux aînés est aussi un peu moins généreuse. Mais à part des prévisions plus optimistes que celles du rapport préélectoral quant à la croissance économique, la CAQ ne table pas sur une multiplication des nouvelles sources de revenus comme le PLQ ou QS. Le retour à l’équilibre financier est prévu pour 2027-2028, avant l’échéance envisagée par les libéraux.
Un gouvernement solidaire engagerait de nouvelles dépenses s’élevant à plus de 37 milliards de dollars en quatre ans, une somme un tantinet réduite par des économies, grâce notamment à la société d’État Pharma-Québec. Gourmand, QS irait chercher pas moins de 25 milliards en nouveaux revenus durant son mandat. Les « ultra-riches », mais les simples riches aussi, peut-on comprendre, vont casquer. Tout comme les grandes sociétés, les minières, les GAFAM et les institutions financières. En raison d’investissements massifs en infrastructures, c’est le seul parti qui prévoit que le poids de la dette publique augmentera par rapport au produit intérieur brut.
Le cadre financier du Parti québécois se distingue par sa relative sobriété. Il prévoit un versement substantiel mais unique d’une allocation au pouvoir d’achat, le doublement du crédit d’impôt pour solidarité, une exemption d’impôt partielle pour les 60 ans et plus. La dette publique est tenue en laisse.
Si le cadre financier de QS est un poème, celui du Parti conservateur du Québec est un roman noir regorgeant d’exécutions sommaires. Sur une période de cinq ans, le PCQ sabrerait pas moins de 32 milliards de dollars dans les dépenses gouvernementales, éliminant notamment les subventions aux entreprises et plafonnant les dépenses publiques afin de réduire l’impôt des particuliers de près de 30 milliards. Starve the beast, disent les républicains aux États-Unis. C’est la social-démocratie québécoise telle qu’on la connaît qui serait remise en cause.