Sur la ligne de départ de la campagne électorale

Les quatre partis représentés à l’Assemblée nationale, ainsi que le Parti conservateur du Québec, fourbissent leurs armes en vue du lancement de la campagne électorale à la fin d’août. À la vue des sondages, on ne peut pas dire que le suspense est bien grand : la Coalition avenir Québec est déjà donnée gagnante. Pour l’incertitude et les surprises, il faudra plutôt compter sur les formations perdantes.

Comme le rapportait Le Devoir mardi, les partis s’activent pour compléter leur liste de candidats. Pour le nombre de candidatures annoncées, Québec solidaire remporte la palme avec 120, suivi de la CAQ avec 114. Le Parti conservateur d’Éric Duhaime fait bonne figure avec ses 105 candidats confirmés, et tous ne sont pas de fumeux complotistes. C’est plus laborieux pour le Parti québécois et pour le Parti libéral du Québec, ce parti de pouvoir qui en est éloigné. Ainsi, Dominique Anglade doit encore dévoiler près de la moitié des candidatures libérales.

Le dernier sondage Léger, publié il y a une semaine dans Le Journal de Montréal, confirmait essentiellement les résultats des coups de sonde des derniers mois. La CAQ trône avec 44 % des intentions de vote des électeurs décidés. À 59 %, le taux de satisfaction envers le gouvernement est élevé, et François Legault est toujours perçu comme le chef qui ferait le meilleur premier ministre par le plus grand nombre de répondants, et de loin. Le sondage montre aussi qu’il est le chef qui est perçu par le plus grand nombre comme celui qui peut le mieux gérer les prochaines vagues de COVID-19.

Il est difficile de discerner dans ce sondage un élément qui pourrait s’avérer source d’une quelconque inquiétude pour les caquistes. Même les questions subjectives quant à l’attitude des électeurs à l’endroit des chefs de parti — « Qui choisiriez-vous pour aller prendre un café ou une bière ou encore pour discuter d’enjeux sociaux ou politiques ? » — sont à l’avantage de François Legault. Il est aussi le plus « compétent », le plus « gentil », le plus « honnête », le plus « drôle ». N’en jetez plus, la cour est pleine.

Il est vrai que les sondages sur les intentions de vote qui ont lieu en été au Québec donnent souvent quelques points de plus au parti au pouvoir. En juillet et en août, l’électorat est plus détendu, de meilleure humeur. Les gens fâchés et insatisfaits du gouvernement le sont un peu moins, ce qui pourrait expliquer pourquoi le Parti conservateur du Québec a perdu quelques appuis. Plus de 60 % des répondants qui ont l’intention de voter pour le parti d’Éric Duhaime sont non seulement insatisfaits, mais très insatisfaits du gouvernement caquiste. Mais encore là, au-delà des légères fluctuations, c’est une tendance favorable à la CAQ, et présente depuis des mois, qui se confirme.

Il faut souligner qu’un score de 44 % pour un parti appelé à prendre le pouvoir au Québec, ce n’est pas l’exception. Ce pourcentage de vote, c’est le même qu’ont obtenu Jacques Parizeau en 1994 et Lucien Bouchard en 1998. Jean Charest avait recueilli 46 % des voix en 2003 et 42 % en 2008. Avec 37 % des suffrages en 2007, il avait dû se résigner à diriger un gouvernement minoritaire.

Ce qui est particulier dans le contexte actuel, c’est le nombre de partis d’opposition dont il faut tenir compte, et de leur relative égalité. Le PLQ recueille 18 % des appuis, mais seulement 10 % parmi les francophones. QS fait du surplace avec 15 % des intentions de vote. Le PCQ en obtient 13 %, tandis que le Parti québécois surnage à 10 %. Son chef, Paul Saint-Pierre Plamondon, n’est pas perçu par la grande majorité des sympathisants péquistes comme étant celui qui ferait le meilleur premier ministre. Dominique Anglade a un problème semblable, mais moins prononcé : la moitié des répondants libéraux ne la considère pas comme la meilleure pour occuper le poste.

Une campagne électorale, c’est toutefois l’occasion pour les chefs des partis d’opposition de se faire connaître davantage, de se faire valoir, de présenter leurs idées. Après la pandémie, ce ne sera pas de refus.

De son côté, François Legault ne voudra pas s’attarder aux questions identitaires, voire à de quelconques revendications constitutionnelles. Il entend s’en tenir à des enjeux bien concrets, comme l’inflation et la réforme du système de santé, auxquels s’ajoutent les défis économiques que présente la lutte contre les changements climatiques. Pour employer une expression de hockey, la CAQ peut se permettre de jouer la trappe.

Évidemment, une campagne électorale est faite d’imprévus et des déclarations maladroites peuvent fuser. Mais il faudrait que survienne une gaffe monumentale pour qu’une vague pousse l’une ou l’autre des oppositions à devenir une menace réelle pour le parti au pouvoir. En raison de la dispersion des voix, la possibilité qu’ils ont d’élire un grand nombre de députés est réduite. Ce qui caractérise la position sur la ligne de départ, c’est moins la force de la CAQ que la faiblesse des partis d’opposition.

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