La capitulation
Lors de son dernier conseil général, qui s’est déroulé samedi, le Parti libéral du Québec (PLQ) a dévoilé sa plateforme électorale et notamment ses engagements en matière de culture et d’identité. À cet égard, la cheffe Dominique Anglade confirme qu’elle a baissé les bras et qu’elle fera campagne en donnant la priorité aux sentiments de la minorité anglophone et du reste du Canada, promettant en définitive de remettre le Québec à sa place au sein de la fédération.
Après s’être montrés favorables au projet de loi 96, les élus libéraux ont fait volte-face devant la grogne en provenance de leur électorat naturel, qui s’oppose férocement non seulement aux mesures caquistes, mais aussi aux positions du PLQ. La plateforme électorale renie donc en partie le programme élaboré par la cheffe et la commission politique du parti en matière de langue, mais sans l’avouer franchement. On peut même lire dans cette plateforme qu’il « est essentiel de favoriser une approche plus équilibrée qui permettra aussi d’améliorer la qualité de la langue française, comme le démontrent les 27 propositions que nous avons mises de l’avant au printemps 2021 ». Or, les propositions les plus significatives sont passées à la trappe.
À la faveur d’une des 27 propositions figurant toujours sur le site Web du parti, le PLQ proposait de maintenir le nombre actuel d’étudiants dans les cégeps anglais tout en assurant l’accès à ces collèges aux étudiants issus de la minorité d’expression anglaise. C’est exactement ce que fait le projet de loi 96, maintenant adopté.
La nouvelle position libérale réintroduit le libre-choix de la langue d’enseignement au cégep. Cette position est commode, mais elle conduirait, comme ce fut le cas ces dernières années, à un accroissement du nombre de diplômés du secondaire français qui poursuivent leurs études au cégep anglais. L’État québécois serait forcé de continuer à financer l’expansion du réseau anglais. Les libéraux n’y voient plus de problème.
Parmi les propositions du PLQ, on retrouvait l’engagement à « mieux baliser les exigences d’une autre langue que le français à l’embauche, notamment en précisant le principe de nécessité ». C’est essentiellement ce qu’énonce la nouvelle loi caquiste, qui demande aux entreprises de justifier l’exigence du bilinguisme à l’embauche. Cette proposition n’est pas reprise dans la plateforme électorale libérale.
Le PLQ s’engage en outre à éliminer le délai de six mois accordé aux nouveaux arrivants avant qu’ils reçoivent leurs services de l’État exclusivement en français, un délai que d’aucuns jugent trop court. Mais comme le PLQ ne prévoit aucun délai, cela revient à prôner le statu quo et la perpétuation du bilinguisme institutionnel de l’État québécois.
Ce chapitre de la plateforme sur la culture et l’identité s’ouvre sur « l’appartenance canadienne », suivie de « l’identification au Québec » et de la protection des droits individuels. On y parle de « la nécessité d’avoir une nation forte dans notre pays qu’est le Canada ». Un gouvernement Anglade défendrait « avec force et vigueur » les compétences du Québec et voudrait qu’on puisse « légiférer » pour encadrer le pouvoir fédéral de dépenser, une revendication illusoire, réitérée depuis un demi-siècle, et qui a encore moins de chances que jadis d’être acceptée dans une fédération de plus en plus impériale.
Pour le PLQ, le Québec forme « une société distincte », mais il répugne à l’utilisation d’un des seuls moyens qui permettent la défense de « nos particularités », selon le vocable employé dans le document libéral. Il s’oppose à l’exercice de la souveraineté parlementaire que préserve la disposition de dérogation contenue dans la Charte canadienne des droits et libertés, disposition sans laquelle l’accord constitutionnel de 1982 n’aurait jamais été signé par neuf des dix provinces. Le PLQ reprend à son compte la thèse qui circule dans les sphères juridiques canadiennes-anglaises selon laquelle cette disposition ne peut s’appliquer de façon préventive. C’est une thèse imaginative qui, contraire à la jurisprudence établie par la Cour suprême, ne vise qu’à brimer la volonté politique de la nation québécoise de se définir elle-même.
C’est une forme de capitulation, de déroute. Les libéraux de Dominique Anglade ont beau se référer constamment à Robert Bourassa, ce premier ministre libéral a toujours cherché à défendre les prérogatives et les pouvoirs du Québec au sein du Canada. Dans sa plateforme, le PLQ se dit « un parti à nette prédominance francophone ». Mais à 9 % d’appuis chez les francophones, selon le dernier sondage Léger, qui confirme les coups de sonde antérieurs, on peut en douter. En fait, si ce score s’avère aux prochaines élections, le PLQ récoltera une nette majorité de ses votes parmi les non-francophones. Et on sait aujourd’hui sur quel électorat il a jeté son dévolu.