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Dans son rapport déposé mercredi, la commissaire au développement durable, Janique Lambert, critique sévèrement la gestion du Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC), qui n’est pas en mesure de suivre l’évolution de la performance de la quasi-totalité de ses actions, en l’absence d’indicateurs et de cibles valables.

L’avertissement est d’autant plus sérieux que le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, en présentant le nouveau Plan pour une économie verte, avait vanté les calculs rigoureux, avalisés par le ministère des Finances, qui structuraient sa reddition de comptes annuelle. Ce plan doit conduire le Québec à réduire, d’ici 2030, de 37,5 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990. Alimenté essentiellement par la tarification du carbone, qui se répercute, notamment, sur les prix de l’essence à la pompe, le FECC dispose d’une enveloppe substantielle de 7,6 milliards pour le plan de mise en œuvre 2022-2027.

La commissaire reproche entre autres au gouvernement caquiste d’avoir aveuglément intégré au plan de mise en œuvre actuel des actions du Plan d’action sur les changements climatiques 2013-2020 « sans avoir préalablement évalué leur performance ni apporté les ajustements lorsque requis ». Ces actions portent sur des dépenses qui s’élèvent à 5,4 milliards, soit 80 % de l’enveloppe de 6,7 milliards de l’an dernier, ou 71 % de la somme augmentée de cette année. Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) n’assure pas une gestion efficace et transparente du FECC, constate Janique Lambert, et n’est pas en mesure de suivre les actions financées par le fonds et l’atteinte en 2030 des objectifs ultimes du Plan pour une économie verte.

Le ministre Benoit Charette a réagi au rapport avec désinvolture en affirmant mercredi que c’était « une photo qui date du 1er avril 2021 » et que le portrait avait changé depuis. La commissaire a répliqué en signalant que ses constats, établis en février dernier, étaient toujours actuels.

De son côté, le MELCC s’est défendu en signalant que les actions du FECC s’appuient sur le modèle SEQUENCE (Système énergétique du Québec, de l’environnement, du climat et de l’électricité), que supervise le ministère des Finances, et que plusieurs de ces actions ressemblent à celles qui se retrouvent dans tous les plans d’action climatique d’États dans le monde parce qu’elles sont « reconnues comme étant les plus porteuses et efficaces ».

Sanctionnée à la fin octobre 2020, la loi 44 a aboli le Fonds vert libéral, de triste mémoire, pour le remplacer par le FECC. À l’été 2018, un conseil de gestion avait conclu que le Fonds vert avait dilapidé plus de 1 milliard et que plus de la moitié des actions menées par 15 ministères devaient être arrêtées ou réévaluées. Quatre ans auparavant, le commissaire au développement durable avait sonné l’alarme sur la mauvaise gestion du Fonds vert et de ses projets, dont les objectifs n’étaient « ni précis, ni mesurables ». Le Québec a d’ailleurs lamentablement échoué à atteindre les cibles de 2020 concernant la réduction des émissions de GES. L’histoire semble se répéter : le gouvernement caquiste risque de retomber dans les ornières du gouvernement précédent.

En plus de ces constats, la commissaire Lambert relève que le MELCC n’exerce pas « une gouvernance intégrée efficace » qui lui permettrait d’assurer « la cohérence et la coordination » des diverses actions à l’échelle du gouvernement. De fait, par rapport aux autres ministères, le MELCC souffre d’une faiblesse congénitale à laquelle le gouvernement Legault n’a pas remédié.

Si les critiques de la commissaire contre le MELCC sont sévères, elles le sont sans doute davantage à l’endroit du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN). Responsable de la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030, adoptée en 2016, le MERN « ne gère pas de manière efficace et efficiente » son déploiement et bafoue sa loi constitutive en n’exerçant pas « une gouvernance intégrée » de la transition énergétique. En raison de l’annulation ou du report de mesures prévues dans le plan directeur, le MERN n’atteindra pas les résultats prévus pour le 31 mars 2023. Il ratera de 13 % la cible de réduction de la consommation énergétique, de 15 % celle de la consommation de produits pétroliers et de 10 % celle des émissions de GES.

Le gouvernement caquiste ne s’était pas distingué pour l’ambition de ses objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques ni par l’audace des mesures qu’il proposait. Mais son ministre de l’Environnement, Benoit Charette, promettait des résultats concrets et quantifiables dans les délais arrêtés. Or la commissaire au développement durable vient de jeter le doute sur la capacité du gouvernement Legault à respecter ses engagements environnementaux.

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