Juges bichonnés, personnel sous-payé

La juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, maintient la pression sur le gouvernement caquiste. Plus tôt cette année, la magistrate a décrété qu’à compter de septembre, les juges de la Chambre criminelle entendraient moins de causes, ne siégeant qu’une journée sur deux plutôt que deux jours sur trois. Alors que la Cour compte 319 juges, elle réclame qu’on ajoute 41 juges de plus, ce qui représente le quart des magistrats affectés à la Chambre criminelle.

Le hic, c’est que c’est un processus qui prend du temps. Il est donc impossible que ce renfort arrive à temps pour septembre. Et la juge en chef le sait très bien.

C’est au gouvernement et à l’Assemble nationale qu’il revient de décider d’une augmentation du nombre de juges à la Cour du Québec. Il faut d’abord que le Conseil du trésor se penche sur la requête de la Cour et fasse sa propre analyse des besoins. Le Conseil du trésor soumet ensuite sa recommandation au ministre de la Justice qui en fait part au Conseil des ministres. La décision budgétaire doit faire l’objet d’un projet de loi ou d’un ajout à un projet de loi. Après son adoption par les parlementaires s’enclenche le processus de sélection qui s’étend sur plusieurs mois.

Comme Le Devoir en faisait état, le ministère de la Justice a calculé que 50 000 causes criminelles par an pourraient dépasser le délai de 18 mois fixé par l’arrêt Jordan, ce qui peut entraîner l’arrêt des procédures.

Comme si ce n’était pas suffisant, les cours de justice au Québec sont affectées par une pénurie de personnel judiciaire — greffiers, adjoints à la magistrature, huissiers, techniciens juridiques, etc. Leurs salaires — de 35 000 $ à un peu plus de 45 000 $ au dernier échelon — sont modestes. L’an dernier, les juges en chef de la Cour du Québec, de la Cour supérieure et de la Cour d’appel se sont ligués pour exiger du gouvernement qu’il relève les salaires de ce personnel sous-payé, qui ne progressent que de 2 % par an.

En comparaison, les juges de la Cour du Québec obtiennent bon an, mal an bien davantage que l’inflation grâce à un dispositif comparatif qui les avantage. Ainsi, leur salaire s’élèvera à 310 000 $ en juillet, après un « rattrapage » de 22 % pour quatre ans, soit 24 000 $ de plus que l’inflation. Les 319 juges se partagent 20 millions de plus par an, ce qui serait suffisant pour verser une augmentation de 25 % à chacun des quelque 2000 employés qui forment le personnel juridique de tous les palais de justice au Québec. Autant rêver.

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