Le pari de Sharon

Il y a trois mois de cela, le chef de file des travaillistes israéliens et actuel ministre de la Défense, Benjamin Ben-Eliezer, avait confié être prêt à employer tous les moyens dont il dispose pour déclencher des élections anticipées.

Voilà qu'aujourd'hui, c'est au tour de son principal adversaire et premier ministre en titre, soit évidemment Ariel Sharon, de brandir la menace des élections.

Tout est lié, tout découle de la bataille acharnée que se livrent les chefs de parti autour du budget de l'État. Tel que proposé par l'actuel ministre des Finances qui, lui, avait indiqué qu'il tirerait sa révérence si le gouvernement n'adhérait pas à son point de vue économe, le budget 2003 doit être celui de l'austérité. De la discipline fiscale. Il se trouve qu'entre l'augmentation marquée des dépenses militaires pour cause d'intifada et l'éclatement de la bulle technologique, Israël est aux prises avec la pire récession depuis cinquante ans.

Conséquemment, le ministre des Finances, dans l'espoir de remettre les finances publiques sur la voie de l'équilibre, a commandé une réduction prononcée des dépenses de l'ordre de deux milliards. De toutes les formations politiques présentes sur l'échiquier politique israélien, celle du Shass est celle qui écoperait le plus. Plus exactement, c'est la base électorale de ce parti qui ferait les frais des coupures envisagées. Le gouvernement entend réduire en effet les allocations accordées aux orthodoxes, aux religieux. Ces derniers ne travaillant pas, le soutien financier de l'État s'avère leur principale source de revenus. En toute logique électoraliste, ils entendent voter contre ce budget lorsqu'il sera déposé à la Knesset.

Au sein du camp travailliste, ce budget suscite autant de rejet qu'au sein du Shass, mais pour des motifs, on s'en doute, différents. Pour la très grande majorité des élus de la gauche israélienne, ce budget a ceci d'injuste qu'il reflète une politique en laquelle il ne croit plus. De quoi s'agit-il? De l'occupation, et donc des coûts financiers inhérents, des territoires palestiniens. Vedette de l'électorat travailliste, Amram Mitzna a annoncé qu'il se porterait candidat contre l'actuel chef du parti et ministre de la Défense Ben-Eliezer. Il a promis que, s'il est élu, il ordonnerait un retrait des troupes et une amorce des négociations avec les Palestiniens sans exiger aucun préalable.

Pour Ariel Sharon, cette histoire pourrait être tout bénéfice. Si l'on en croit les récents sondages, le Likoud sortirait grand gagnant des élections. Il pourrait doubler son nombre de sièges au Parlement. Et ce, aux dépens des travaillistes et du Shass avec lesquels il a formé une coalition qui a fonctionné, vaille que vaille il est vrai, pendant quatorze mois. Autrement dit, le Likoud sortirait grand vainqueur d'une bataille électorale. Paradoxalement, ces mêmes sondages indiquent que la popularité de Sharon est en forte baisse (- 9 %).

Cela étant, une chose est certaine. Depuis que les religieux disposent d'un poids politique non négligeable, aucun gouvernement n'a évité les élections anticipées. Celui de Sharon ne devrait pas faire exception.

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