Anglade et le noyau dur du PLQ

Entourée de députés, de candidats et de militants libéraux, tous de rouge vêtus, la cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade, a participé à la manifestation à Montréal contre le projet de loi 96 sur la langue française.

L’événement était organisé par le Quebec Community Groups Network (QCGN), avec notamment l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec et l’Association des comités de parents anglophones du Québec.

Historiquement, les élus du Parti libéral du Québec, ce parti de pouvoir, ne sont pas de grands amateurs de ces manifestations publiques où la foule défile en scandant des slogans. Ce n’est pas non plus le genre de la maison au Conseil du patronat du Québec ou à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

En 2012, au terme de l’éprouvant Printemps érable, Jean Charest n’avait pas manqué de railler la cheffe du Parti québécois, Pauline Marois, qui, casserole à la main et arborant le carré rouge du mouvement étudiant, avait participé à une manifestation contre la hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement libéral. « Pauline Marois, c’est la rue », a-t-il répété en campagne électorale.

Dans la rue, Dominique Anglade s’y est retrouvée à deux reprises récemment dans des manifestations bon enfant avec des élus d’autres partis. Le 8 mai, elle prenait part à la manifestation Du pain et des forêts tandis que, l’automne dernier, elle s’est jointe à la marche pour le climat à Montréal.

La manifestation de samedi, qui a réuni plus de 1000 personnes, s’est déroulée dans le calme. Les organisateurs avaient distribué de petits drapeaux du Québec et des pancartes, dont on a voulu contrôler le message.

Après s’être montrés ouverts à proposer des amendements au projet de loi 96 en vue de son adoption, les libéraux ont changé leur fusil d’épaule pour s’y opposer en bloc. C’est pourtant leur idée, celle d’ajouter trois cours en français au cégep anglais. Parmi les 27 propositions sur la langue française du PLQ présentées par Dominique Anglade, on trouve également la volonté de plafonner le nombre d’étudiants admis au cégep anglais, comme le fait le projet de loi 96, et de resserrer les critères permettant aux employeurs d’exiger la maîtrise de l’anglais. Tout cela n’est plus que du vent.

Mercredi, lors d’un débat sur le projet de loi 96 à l’Assemblée nationale, Dominique Anglade a accusé le gouvernement Legault de pratiquer une « gouvernance qui divise », alors qu’elle-même prônerait une « gouvernance qui rassemble ». En matière de langue, le Parti libéral serait un exemple à suivre. « C’est important de voir à quel point l’histoire nous a montré ce qu’a su faire le Parti libéral en matière de langue officielle pour la langue française », a-t-elle affirmé. Or c’est oublier les divisions que le gouvernement libéral n’a pu qu’exacerber quand il a voulu légiférer sur la question. Dans les années 1970, Robert Bourassa, avec la loi 22 sur la langue officielle, a soulevé un tollé du côté tant des francophones que des anglophones. En 1988, la loi 178 sur la langue d’affichage, présentée par le gouvernement Bourassa, a entraîné le départ de trois de ses ministres anglophones et la création du Parti Égalité, qui prônait l’abolition de la loi 101 et l’officialisation du Québec comme province bilingue.

On le voit, en matière de langue française, à moins de laisser faire, une posture adoptée par les gouvernements Charest et Couillard, il n’y a guère de « gouvernance qui rassemble », comme si, d’ailleurs, l’équilibre linguistique était affaire de gouvernance plutôt que de volonté politique. Quelle que fût la couleur du gouvernement à Québec, chaque fois qu’il a voulu renforcer la protection accordée au français, des anglophones ont crié à la discrimination et à l’intolérance, voire au racisme.

Samedi, Dominique Anglade renouait avec le noyau dur du PLQ. Déjà, la cheffe a donné le ton la semaine dernière avec le choix de Michelle Setlakwe comme candidate dans Mont-Royal–Outremont, cette représentante de l’élite qui estime que « les sujets à saveur nationaliste, identitaire, qui nous divisent, ne devraient pas occuper autant de place dans le débat public ».

Samedi, Dominique Anglade manifestait en même temps que la présidente du QCGN, Marlene Jennings, qui n’hésite pas à propager des exagérations et des faussetés concernant la teneur du projet de loi 96. La cheffe libérale a marché avec des sympathisants de Colin Standish et Balarama Holness, qui envisagent de fonder leur parti et qui militent pour un Québec bilingue, une position qu’elle juge extrémiste. C’est pourtant une vision politique, ou une reconnaissance d’un état de fait, de plus en plus répandue, dont le PLQ ne peut trop s’éloigner sans subir de conséquences fâcheuses. Après son virage nationaliste avorté, Dominique Anglade est bien placée pour le savoir.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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