Le torchon brûle

Le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, a accepté de modifier l’amendement libéral au projet de loi 96 qui imposait à tous les étudiants du cégep anglais, y compris les ayants droit qui proviennent des écoles secondaires anglaises, l’obligation de réussir trois cours en français dans leur discipline. Cette exigence ne visera plus que les étudiants qui ont fait leur secondaire en français.

Cette obligation, contenue dans un amendement qu’avaient fièrement présenté des députés libéraux et qui fut adopté à l’unanimité des parlementaires, avait été décriée par nombre d’Anglo-Québécois.

Le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, était aussi monté au front, révélant que plus de 35 % des quelque 29 000 étudiants du cégep anglais sont inscrits à des cours de mise à niveau en français langue seconde ; ils ne maîtrisent pas suffisamment la langue pour réussir des cours en français.

Après avoir laissé les libéraux mariner dans leur jus pendant un mois, le ministre Jolin-Barrette a accepté de soumettre une nouvelle version de l’amendement qui sera incluse dans le texte législatif soumis au vote à la mi-mai. Les ayants droit auront désormais le choix entre suivre les trois cours en français dans leur discipline ou s’inscrire à trois cours de français langue seconde.

C’est une décision sensée, puisque l’exigence risquait de conduire plusieurs étudiants anglophones à l’échec, ce dont était convaincue la Fédération des cégeps. Cette idée que tout étudiant au cégep anglais suive des cours en français est excellente, mais le rehaussement de l’enseignement du français à l’école secondaire anglaise doit précéder l’introduction d’une telle obligation.

L’épisode montre crûment que de nombreux anglophones, au terme de leur secondaire, n’ont pas acquis une connaissance suffisante du français. Certains de ces étudiants se destinent à des emplois dans le réseau de la santé, où la maîtrise du français est une exigence. Il semble qu’on passe outre, comme en a témoigné le député de Québec solidaire Vincent Marissal, dont un des proches n’a pu obtenir des soins de santé en français… à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Les récriminations des anglophones sont loin de s’arrêter à ces trois cours en français obligatoires. Déjà en février, la présidente du Quebec Community Groups Network (QCGN), Marlene Jennings, s’était montrée odieuse en soulevant la contradiction entre l’appui donné par François Legault à la démocratie ukrainienne et le recours aux dispositions de dérogation des chartes des droits au sein du projet de loi 96.

À l’heure actuelle, le QCGN attise les craintes de la population qu’il représente en affirmant que la minorité anglophone, avec l’adoption du projet de loi 96, n’aura plus droit à des services de santé et sociaux en anglais.

Mercredi, lors de l’étude des crédits budgétaires sur les relations avec les Québécois d’expression anglaise, François Legault a démenti cette fausseté, tout comme d’ailleurs la députée de Québec solidaire Ruba Ghazal.

Ce qui est vrai cependant, c’est que le gouvernement québécois entend ne communiquer en anglais qu’avec les anglophones de la minorité historique, les ayants droit.

Et ça, les anglophones ne l’acceptent pas. En commission parlementaire, le député libéral de D’Arcy-McGee, David Birnbaum, s’est indigné. Les Anglophones ressentent « anxiété, colère, insécurité, tristesse », a-t-il affirmé. Selon lui, « la notion d’anglophone historique » n’a pas lieu d’être. Ce qui revient à revendiquer le statu quo : quiconque le souhaite peut être servi en anglais par l’État. C’est malheureusement faire peu de cas du droit des Québécois de travailler en français et de la valeur d’une véritable intégration à la nation québécoise.

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