La langue du délinquant
Défendant son p.-d.g., Michael Rousseau, qui a prononcé un discours en anglais seulement devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain en novembre dernier, Air Canada a demandé au Commissariat aux langues officielles du Canada de rejeter les nombreuses plaintes que le fieffé unilingue avait provoquées. Dans un rapport préliminaire, le commissaire Raymond Théberge a refusé de passer l’éponge.
Ce rapport préliminaire, dont Radio-Canada a obtenu copie, a été remis aux plaignants. Le Commissariat a reçu 2680 plaintes à la suite de l’allocution de Michael Rousseau, un nombre considérable si l’on considère que l’organisme reçoit en moyenne 1000 plaintes par année pour des manquements à la Loi sur les langues officielles. À ce chapitre, Air Canada figure toujours en bonne place parmi les entreprises délinquantes.
Le transporteur a argué que l’allocution devant un parterre de gens d’affaires dans un hôtel de Montréal et en présence de journalistes était de nature privée, une prétention absurde. La compagnie a aussi avancé que les propos du p.-d.g. avaient été mal interprétés. Pourtant, c’est sans ambiguïté que celui-ci a vanté les mérites de la région de Montréal, où il a pu vivre pendant 14 ans sans avoir à parler français. Depuis, M. Rousseau trouve le temps de suivre des cours intensifs de français et il lui a été possible de prononcer quelques mots dans cette langue manifestement seconde devant le comité permanent des langues officielles il y a quelques semaines. Nous croyons toutefois qu’il est fort improbable que cet homme de 61 ans puisse un jour soutenir une vraie conversation en français. Présumer que les Canadiens anglais d’âge mûr possèdent un don exceptionnel qui leur permettrait d’apprendre une langue qu’ils ont dédaignée toute leur vie procède d’une hypocrisie fort répandue dans toute l’administration fédérale.
Dans son rapport, Raymond Théberge écrit qu’Air Canada a causé un préjudice à la reconnaissance de la langue française et réduit son importance au sein de la société canadienne. Il y va de recommandations, dont l’évaluation de la performance en français non seulement du p.-d.g., mais de toute la haute direction de la société.
À l’heure actuelle, le commissaire est un chien de garde édenté. Il faudra attendre l’adoption du projet de loi C-32 pour voir ses pouvoirs renforcés qui l’autoriseront, notamment, à rendre des ordonnances afin d’obliger une société comme Air Canada à respecter la loi.