Le bilinguisme n’est pas une option

Le candidat de la division, Balarama Holness, a poursuivi son travail de sape sur le statut linguistique de Montréal. Après avoir laissé planer le flou sur ses intentions lors de la fusion de son parti avec celui de Marc-Antoine Desjardins, il est revenu à la charge la semaine dernière.

M. Holness a annoncé son intention de reconnaître Montréal comme une ville bilingue. Il a proposé une démarche en deux temps pour tenir des audiences pendant un an sous les auspices de l’Office de consultation publique de Montréal, suivies d’un référendum sur le statut linguistique de la métropole.

Lors de la fusion de son parti (Mouvement Montréal) avec celui de M. Desjardins, ce dernier affirmait pourtant que l’article 1 de la Charte de la Ville de Montréal, stipulant que « Montréal est une ville de langue française », resterait intact. Soit il mentait, soit il s’est fait rouler dans la farine par son nouveau chef.

Les nouveaux alliés proposent de faire chacun leurs campagnes respectives pour et contre le bilinguisme à l’intérieur d’une même formation. Voilà qui laisse pantois, mais nous pouvons au moins tirer des conclusions sur la fusion improvisée de Mouvement Montréal et du Ralliement pour Montréal. C’est une farce monumentale comme seule la politique municipale a le secret d’en produire.

Marc-Antoine Desjardins a perdu toute crédibilité comme défenseur du fait français à Montréal en pactisant si naïvement avec un homme politique qui milite activement pour son recul. Des candidats qui avaient accepté de faire campagne sous la bannière de M. Desjardins se doutaient bien que le ciment ne prendrait pas entre deux projets aussi opposés que celui de Balarama Holness et de Marc-Antoine Desjardins. Ils avaient vu juste.

C’est ainsi que prend fin le mirage d’une « troisième voie » dans la campagne pour la mairie de Montréal. Cela ne veut pas dire que le vote en faveur de Balarama Holness va s’écraser. La réforme qu’il propose aurait pour effet d’empêcher l’application du projet de loi 96, qui ferait de Montréal une cité-État détachée du reste du Québec sur la question linguistique. Il y a de quoi faire saliver ceux qui pensent que le Québec ne forme pas une nation et que le français n’est pas la langue officielle du territoire. Selon un sondage réalisé par la maison Angus Reid (l’employeur frondeur de Shachi Kurl), 82 % des Anglo-Montréalais, 53 % des allophones et 19 % des francophones adhèrent à ce courant de pensée.

À Montréal, nous en sommes à une étape critique du combat pour le français, celle où des citoyens bilingues, enfants de la loi 101 comme Balarama Holness, se rattachent sans aucune arrière-pensée au multiculturalisme canadien. Ils s’imaginent que la transformation de la majorité francophone en un groupe folklorique parmi d’autres sera un gage de succès pour la pérennité du français. Ce raisonnement part de fausses prémisses selon lesquelles les droits de la minorité anglophone et l’attractivité de Montréal auprès des investisseurs et étudiants étrangers seraient menacés par le projet de loi 96.

Nul doute que Balarama Holness est un fier Montréalais, attaché aux racines tant francophones qu’anglophones qui sont les siennes. Il ne sera pas le premier ni le dernier Montréalais à se réclamer d’une identité mixte et décomplexée. Il trouvera même des appuis chez les francophones pour qui le combat linguistique est chose du passé, et au sein des milieux d’affaires qui redoutent les contraintes du projet de loi 96 sur la fluidité des activités se déroulant déjà à l’aune du bilinguisme dans les grandes entreprises. Ils passent tous à côté de la question fondamentale. En ouvrant la porte au bilinguisme à Montréal, ils envoient le message qu’il est normal et acceptable pour les nouveaux arrivants de se désintéresser de la langue et des institutions de la majorité linguistique. C’est en soi un raccourci pour l’anglicisation des nouveaux arrivants.

Heureusement, ni Valérie Plante ni Denis Coderre ne sont tombés dans le panneau. Ils n’ont pas l’intention de mettre de l’huile sur le feu du débat linguistique à Montréal, mais cela n’est pas suffisant. Dans nos pages, l’ex-députée et candidate défaite à la mairie de Montréal Louise Harel et le doctorant en science politique de l’Université d’Ottawa David Carpentier leur suggèrent de faire pression sur le gouvernement du Québec afin qu’il formalise la politique d’interculturalisme du Québec. Ils sont animés par la recherche d’équilibre entre les aspirations de la majorité francophone et la valorisation de la diversité ethnoculturelle. C’est une approche qui a le mérite de rassembler, dans le respect de la diversité, au lieu de diviser.

  

Un dernier mot sur Balarama Holness. Il songe à porter plainte à la police pour propos haineux. Ses positions lui valent une pluie d’injures raciales choquantes. Ce racisme grossier n’a pas sa place au Québec. Les idées défendues par M. Holness n’ont rien à voir avec la couleur de sa peau. C’est sa conception des politiques linguistiques qu’il faut critiquer, dans le respect de sa dignité.

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