Qui paiera pour les aînés?

La pandémie creuse un fossé qui ne doit être que temporaire dans les finances de nos gouvernements, surtout celui du Québec, qui ne dispose pas d’outils monétaires comme Ottawa pour absorber le choc. D’autres phénomènes, comme le vieillissement de la population plus rapide au Québec qu’ailleurs, auront des conséquences encore plus dramatiques sur l’équilibre des finances publiques à long terme. Si rien n’est fait, des choix douloureux s’imposeront d’eux-mêmes, ce que personne ne souhaite.

À court terme, le gouvernement Legault peut suspendre pour quelques années les versements au Fonds des générations, ce qui lui permettrait de dégager 8,9 milliards d’ici 2023. Mais l’approche ne peut pas s’étendre sur plusieurs années.

Il faudra donc trouver d’autres sources de revenus stables pour financer l’augmentation prévisible des coûts en santé sur un horizon de plus de vingt ans. Non seulement parce que le vieillissement de la population exigera plus d’actes médicaux, de frais d’hébergement et de soins à domicile, mais aussi parce que ce même vieillissement aura aussi une incidence négative sur les recettes de l’État.

Deux études récentes, la première effectuée par la Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels (HEC Montréal) et la seconde conjointement avec la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, nous apprennent qu’il faudra doubler le nombre de places en CHSLD d’ici vingt ans pour accueillir les aînés en grande perte d’autonomie.

Pour ces gens très malades âgés majoritairement de plus de 80 ans, le maintien à domicile n’est pas une solution plus économique pour l’État. Or, chaque nouvelle place en CHSLD coûte 365 000 $ à construire (davantage si on choisit la formule Maison des aînés) et 102 000 $ par année en frais de fonctionnement dont 18 % sont assumés par les résidents.

Ces dépenses inévitables s’ajouteront à l’augmentation fulgurante des soins de santé en général dont les aînés auront besoin à mesure qu’ils se rapprocheront de leur fin de vie.

  

La question qui se pose ici est de savoir comment financer tout cela. Selon les prévisions de l’Institut de la statistique, la proportion des plus de 65 ans passera de 20,5 % à 28,4 % d’ici vingt ans. À l’inverse, celle des 30 à 64 ans qui contribuent le plus à la croissance de l’économie et aux impôts perçus par l’État chutera de 64 % à 57 % de la population totale.

Ce que les universitaires des deux chaires de recherche ont calculé, c’est qu’à elle seule cette future structure d’âge entraînera une baisse de 10 % des recettes de l’État si le Québec persiste à accorder la même importance relative qu’aujourd’hui à l’impôt sur le revenu des particuliers (35 % de ses recettes totales comparativement à 30 % pour la moyenne de l’OCDE) comparativement aux taxes à la consommation (24 % du total contre 32 % pour l’OCDE).

L’explication est simple : après 65 ans, les gens paient de moins en moins d’impôt sur le revenu et, comme ils seront beaucoup plus nombreux, cela entraînera une baisse des recettes fiscales au moment même où les besoins seront en forte hausse.

En revanche, l’étude démontre que, malgré l’avancement en âge, les plus de 65 ans ne réduisent pas leur consommation de façon proportionnelle aux revenus gagnés. Par conséquent, la diminution des recettes fiscales issues des taxes à la consommation serait négligeable malgré la nouvelle structure d’âge de la population.

Par ailleurs, plusieurs études antérieures ont montré que l’imposition des revenus des particuliers influe davantage sur la croissance du PIB que les taxes à la consommation. Si le gouvernement du Québec décidait de baisser les impôts sur le revenu d’un montant égal à une hausse parallèle des différentes taxes à la consommation, les chercheurs des deux universités arrivent à la conclusion que les recettes fiscales à long terme iraient en augmentant au lieu de diminuer sous l’effet combiné de la future structure d’âge et d’une croissance supérieure du PIB. En bonifiant le crédit de solidarité pour épargner les moins nantis, cette façon de faire aurait aussi pour effet de faire porter une moins large part des coûts du vieillissement sur les jeunes générations.

Bien sûr, il n’y a pas que la hausse des taxes à la consommation qui peut être envisagée pour affronter l’immense défi du vieillissement. D’autres outils peuvent s’ajouter, en commençant par le prix du loyer attendu des résidents en CHSLD dont les avoirs et les revenus familiaux justifieraient de payer autant que dans les résidences privées avec services. Et n’oublions pas Ottawa, qui semble beaucoup plus pressé d’imposer des normes nationales aux provinces que de contribuer pour une juste part aux défis du vieillissement.

À voir en vidéo