Le droit à l’agrément

En prévision de la semaine de relâche, François Legault a exhorté Justin Trudeau à interdire les voyages non essentiels. Le premier ministre canadien s’est contenté de reprendre sa position bancale qui se résume à défendre le droit du quidam de faire des voyages d’agrément, tout en l’implorant, les trémolos dans la voix, de rester au pays.

Il s’en trouve pour soutenir que les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ne peuvent être restreints sous aucun prétexte ou encore qu’une interdiction de voyager pour passer une semaine ou deux dans le Sud serait contestée devant les tribunaux. Tout se plaide évidemment, mais le droit de sortir et d’entrer au pays peut certainement être limité. En temps de pandémie et d’urgence sanitaire, bien des droits le sont d’ailleurs, même le droit, maintenant encadré, de pratiquer sa religion dans une église au Canada. C’est dire.

Restreindre un droit pour tenter d’éviter la propagation exponentielle d’un virus mortel est certainement dans les « limites qui [sont] raisonnables et dont la justification [peut] se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique », comme l’énonce l’article premier de la Charte. Soutenir le contraire est tout simplement fallacieux.

L’autre argument, un peu léger, il nous semble, c’est que les voyageurs de retour de leur tout-inclus contribuent peu à la contagion générale. Toute proportion gardée, ils sont pourtant plus nombreux à avoir contracté la COVID-19 si on les compare aux personnes qui sont restées sagement au pays en respectant les consignes de la Santé publique.

Justin Trudeau a reconnu lui-même mardi la menace que représentent les mutations du coronavirus qui circulent à l’étranger et qui, pour certaines, sont très contagieuses. Déjà, des voyageurs ont rapporté en Ontario et au Québec la mutation britannique, qui s’est propagée hors du Royaume-Uni.

Enfin, un autre argument avancé par les autorités fédérales veut que ce soit trop compliqué au regard des effets escomptés. Délivrer les autorisations pour les voyages essentiels, par exemple, requiert une certaine organisation.

 

Or, ce qui apparaît compliqué, c’est d’obliger les vacanciers à subir des tests dont les preuves peuvent être falsifiées et dont la fiabilité est douteuse, c’est de s’assurer — Ottawa n’y arrive même pas — que les voyageurs respectent la quarantaine et répondent avec candeur aux robots fédéraux qui les appellent sur leur cellulaire. On peut se demander ce que ces escapades dans le Sud coûtent à l’État en frais de toutes sortes.

Et c’est sans parler des voyageurs ou de leurs proches qui, après avoir contracté une des souches de la COVID-19, se retrouveront dans des hôpitaux surchargés. Les hospitalisations, c’est pas mal plus compliqué.

À moins que le gouvernement Trudeau change son fusil d’épaule, seule la vaccination massive nous garantira contre l’égoïsme et l’étourderie de certains privilégiés. Or, nous apprenions que l’approvisionnement en vaccins connaît des ratés, retardant de plusieurs semaines le programme de vaccination au Québec. Dans ce contexte, et pour plus longtemps encore, l’émergence de nouvelles souches du coronavirus commandera une vigilance accrue.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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