Une «fausse bonne idée»

Pendant que les citoyens se triturent les méninges et mettent à l’épreuve leur code éthique intérieur pour se projeter dans les festivités du temps des Fêtes, le gouvernement Legault jongle avec différents scénarios pour permettre de sauver une parcelle de Noël. L’école, pointée pourtant comme le dernier rempart d’une certaine normalité, est malheureusement à nouveau ciblée comme espace sacrificiel.

Après huit mois d’« expérience » en gestion de pandémie, la cohérence n’est pas toujours la valeur phare dans le choix et l’application des mesures. On peine à comprendre la logique d’un gouvernement qui songe à fermer les écoles, mais laisse les centres commerciaux se remplir de consommateurs s’agglutinant dans des commerces en quête du parfait cadeau. Cette frénésie profitera non seulement à la santé économique du Québec, mais aussi au virus, friand de ce type de rassemblement.

Cet argument ne semble pas faire le poids, et on lui préfère l’amputation draconienne du calendrier scolaire, dans une formule mur à mur ne tenant compte ni des réalités distinctes des régions, ni du casse-tête de conciliation travail-famille qui éreintera des parents déjà sur les rotules, ni non plus des effets dommageables sur la réussite des enfants. Pour protéger quelques jours de party selon des modalités qu’on connaîtra sous peu, on vise à prolonger l’isolement des élèves pour éviter la propagation. Québec songe à laisser les services de garde scolaires ouverts, mais si tous ceux qui en ont besoin s’y présentent, l’effet escompté sera entièrement annulé. Une « fausse bonne idée », disent les directions d’école avec raison.

La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) a sondé ses membres ces derniers jours pour savoir ce qu’ils disaient de ce mois de congé sorti de la poche du gouvernement, sans la moindre consultation préalable des acteurs du réseau. Une écrasante majorité de profs jugent que ce mois aura des effets désastreux sur la motivation et la réussite des troupes. La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) pousse de son côté l’arrogance jusqu’à prévenir que, si les vacances de Noël devaient être prolongées, il ne serait pas question de venir sabrer le repos estival des enseignants pour retrouver les jours d’école perdus. Quelle occasion ratée de pratiquer le silence et la bienveillance !

Ça n’est pas du tout la formule idéale, mais si Québec devait opter pour ce mois de congé scolaire, les deux semaines additionnelles devraient être placées avant la période des Fêtes, pour que l’isolement préventif permette réellement de protéger les personnes les plus vulnérables lors des rassemblements familiaux — on peut présumer sans trop errer que le taux d’indiscipline risque d’être passablement élevé pendant les Fêtes. Les personnes âgées et malades, si elles sont contaminées, demeurent des groupes vulnérables et à risque plus élevé d’atterrir dans les hôpitaux.

Les rouages de l’enseignement à distance étant désormais bien huilés, loin du chaos connu en début de pandémie, on ne voit pas pourquoi ces deux semaines ne seraient pas bel et bien inscrites au calendrier scolaire, avec les cours donnés à la maison plutôt qu’en classe. Cette manie de tout transformer en « vacances » dès qu’un écueil se pointe ne sert pas la cause de la persévérance, bien au contraire.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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