​Commerce international: la Chine marque des points

Quinze pays de la région Asie-Pacifique, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Vietnam, le Japon, la Corée du Sud et la Chine, viennent de signer le plus important traité commercial des dernières années pour sa portée économique et politique.

Ensemble, ces quinze pays totalisent 30 % du PIB mondial. Mais la première particularité de ce Partenariat régional économique global (RCEP en anglais) est le rôle central qu’y joue la Chine grâce à l’absence des États-Unis devenus protectionnistes et méprisants pour leurs propres alliés sous la présidence de Donald Trump.

On se rappellera que plusieurs signataires de ce nouveau traité, à l’exception notoire de la Chine, avaient d’abord adhéré à un autre accord commercial régional, le Partenariat transpacifique (PTP), conclu sous la présidence de Barack Obama dans le but de ralentir la montée de la Chine dans cette région du monde. Mais en 2017, trois jours seulement après son investiture, Donald Trump retirait les États-Unis du PTP, abandonnant les onze autres signataires, dont le Canada, à la négociation d’un accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) désormais bien moins pertinent. Maintenant que la Chine est parvenue à rallier la plupart des grandes pointures de cette région du monde à ses propres conditions, la question qui se pose est de savoir si Joe Biden reprendra le travail là où Obama l’avait laissé.

Lorsque la Chine a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001, tous les pays ont cru qu’un nouveau marché au potentiel illimité s’ouvrait devant eux. Ils se sont bientôt rendu compte que, loin d’adhérer aux règles de réciprocité du commerce mondial établies après la Deuxième Guerre, l’État chinois tentait plutôt de profiter de cette adhésion pour commercer librement à l’extérieur de ses frontières tout en maintenant ses lois protectionnistes et autoritaires à l’intérieur de ses frontières.

C’est dans ce contexte de montée rapide de la Chine comme puissance mondiale que les États-Unis et leurs alliés ont tenté de consolider leurs liens militaires et commerciaux dans la zone Asie-Pacifique en négociant des accords de nation à nation. Du multilatéralisme de la deuxième partie du XXe siècle, nous sommes passés à des accords bilatéraux et régionaux rendus nécessaires par les échecs répétés des négociations multilatérales au sein de l’OMC.

Puis vint Donald Trump, pour qui même ces accords bilatéraux et régionaux étaient désavantageux dès lors que les États-Unis n’avaient pas toujours et partout le dernier mot. La mondialisation selon Trump se résumait à deux mots : America first !

Pendant ce temps, la Chine profitait de l’absence des États-Unis pour signer le plus grand traité de libre-échange des temps modernes avec ses quatorze voisins, y compris certains pays avec qui elle entretient toujours des rapports conflictuels. C’est le cas du Japon et de l’Australie, par exemple, qui refusent de laisser la multinationale chinoise Huawei participer à l’implantation du futur réseau 5G pour des raisons de sécurité nationale.

Le Canada hésite encore à en faire autant malgré les pressions de Washington et les rapports en ce sens de ses services secrets. Pourtant, il est de notoriété publique que les sociétés chinoises installées à l’étranger servent de réseau d’influence et d’espionnage pour le gouvernement chinois.

Depuis 2013, le président à vie Xi Jinping a lancé plusieurs initiatives susceptibles d’accroître le rayonnement de la Chine dans le monde, dont la création de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII), dotée d’un capital de 100 milliards $ US. Le Canada est d’ailleurs membre du conseil de la BAII, dont le mandat est d’investir dans les pays qui font partie de la fameuse Route de la soie, gigantesque projet d’infrastructures reliant l’Asie à l’Europe. Pour le gouvernement Trudeau, il s’agit d’ouvrir ce marché aux fournisseurs canadiens, certes, mais aussi d’amadouer ses homologues chinois.

Ce qui n’a pas empêché la Chine d’emprisonner deux Canadiens à la suite de l’arrestation à Vancouver de la numéro deux de Huawei, Meng Wanzhou, soupçonnée par Washington d’avoir contourné l’embargo imposé par l’ONU à l’Iran.

En parvenant à convaincre quatorze pays de la zone Asie-Pacifique de signer un accord de libre-échange même très partiel, le gouvernement communiste chinois pose hypocritement en défenseur du multilatéralisme devant une Amérique absente.

S’il est encore tôt pour savoir où logera le nouveau président Biden en matière de commerce international, il faut au moins souhaiter que le Canada ne ménage pas ses efforts en faveur d’une reprise des négociations multilatérales au sein des organisations internationales comme l’OMC.
 



Une version précédente de ce texte, qui indiquait qu'en 2015 Donald Trump annonçait le retrait des États-Unis du PTP, a été modifiée.

 

À voir en vidéo