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Lorsque des exaltés ont décidé de réécrire l’histoire à la hauteur de la rue, en déboulonnant la statue du père raciste de la Confédération, John A. Macdonald, en septembre dernier à Montréal, Justin Trudeau a condamné ce geste de vandalisme. Du même souffle, le premier ministre du Canada s’est montré ouvert à un examen des « erreurs du passé » commises par ses prédécesseurs, y compris celles de son père.
Les 50 ans de la crise d’Octobre offrent à M. Trudeau une occasion d’amorcer ce nécessaire travail d’introspection, dans l’espoir de tourner la page sur un moment sombre de l’histoire contemporaine du Canada. La proclamation de la Loi sur les mesures de guerre et la suspension des libertés civiles par le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau ont mené à l’arrestation sans mandat de quelque 500 Québécois innocents, pris en étau entre un État fédéral fourbe et un infâme groupuscule terroriste.
À quand des excuses, M. Trudeau ? Des excuses pour un liberticide commis à l’encontre de Québécois sans reproches et à l’encontre des mouvements de gauche qui aspiraient à faire du Québec un État indépendant. Des excuses pour avoir inventé de toutes pièces un complot pour insurrection appréhendée auquel ont été associés René Lévesque, Jacques Parizeau et même le directeur du Devoir de l’époque, Claude Ryan. Des excuses pour avoir laissé la Gendarmerie royale du Canada (GRC) infiltrer et déstabiliser des organisations démocratiques et militantes, dont le Parti québécois, bien au-delà des événements d’octobre 1970.
Dans la troisième édition de FLQ. Histoire d’un mouvement clandestin, le journaliste Louis Fournier dresse le bilan de la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre le 16 octobre 1970. De source officielle, 497 citoyens ont été arrêtés, parmi lesquels figuraient des artistes, des syndicalistes, des avocats et d’autres Québécois dont le crime le plus redoutable était d’entretenir des idées de gauche, des idées de pays à naître. La durée moyenne de leur séjour en prison fut d’une semaine. Au final, 87,5 % d’entre eux furent relâchés sans accusation, écrit Fournier. Et 95 % des inculpés bénéficièrent d’un acquittement ou d’un arrêt des procédures.
Bien sûr, il s’en trouvera encore dans le camp des fédéralistes pour répéter que Trudeau père n’avait fait qu’acquiescer à la demande du premier ministre du Québec Robert Bourassa en envoyant l’armée dans les rues du Québec. Ils jetteront encore le blâme sur la Sûreté du Québec et la police de Montréal pour les arrestations de masse. Il n’en demeure pas moins que Pierre Elliott Trudeau et ses colombes transmuées en faucons ont profité de l’enlèvement du diplomate britannique James Cross et du ministre québécois du Travail Pierre Laporte, lâchement assassiné par la cellule Chénier du Front de libération du Québec (FLQ), pour tenter de mater le mouvement souverainiste en pleine ascension. Fournier avance à juste titre que c’est le PQ, et non le gouvernement Trudeau, qui a vaincu le terrorisme. Il y est parvenu en se dissociant avec véhémence et conviction des actes de violence insensés commis par le FLQ, en articulant son projet d’indépendance dans le respect des idéaux démocratiques et en intégrant en son sein les aspirations de justice sociale de la majorité francophone.
Pendant dix ans, de 1962 à 1972, le FLQ a tenté, par vagues successives, de faire avancer par la violence le projet d’indépendance, par des attentats à la bombe, des enlèvements et un assassinat politique, celui de Laporte. Ce Québec en pleine agitation n’avait pas le monopole du romantisme révolutionnaire à la sauce marxiste. À l’échelle planétaire, des groupes terroristes ont voulu dessiner du bout de leur fusil une révolution socialiste.
Pour les penseurs du FLQ, la réalisation de l’indépendance était la condition préalable à l’instauration d’un État socialiste, un projet qui faisait la preuve de son caractère suranné au moment même où la jeunesse felquiste dynamitait les symboles de l’oppression coloniale et patronale. Dès l’élection du gouvernement de Jean Lesage en 1960, la société québécoise avait amorcé un formidable travail de rattrapage social, politique et économique pour sortir les francophones de la domination et jeter les bases d’une société plus juste.
L’élection d’un gouvernement du Parti québécois, en 1976, et l’adoption de la loi 101, en 1977, furent des jalons majeurs dans le parachèvement de la Révolution tranquille. Seul le projet indépendantiste, remis en terre pour une durée indéterminée depuis l’échec référendaire de 1995, ne s’est pas concrétisé.
La violence meurtrière du FLQ reste une tache dans notre histoire, mais les forces souverainistes ont su la dénoncer et lui conférer un statut d’action politique pestiférée pour la postérité. En revanche, les libéraux fédéraux ont instrumentalisé la crise d’Octobre, grâce à la vacuité du gouvernement Bourassa, afin d’imposer des stratégies antidémocratiques pour préserver l’unité canadienne. Le rapatriement unilatéral de la Constitution, le torpillage de l’accord du lac Meech et le scandale des commandites nous renvoient l’écho d’Octobre. À quand des excuses, M. Trudeau ?
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Chronique La crise d’Octobre et le combat contre l’indépendance.
Éditorial Le PLC a instrumentalisé la crise d’Octobre pour imposer des tactiques antidémocratiques au nom de l’unité nationale.
En 1970, les enlèvements au Québec sont apparus en écho à ce qu'il se passait déjà dans plusieurs autres pays.