À la guerre comme à la guerre

Il y avait tout un contraste entre l’atmosphère détendue qui régnait lors du huis clos du budget Girard mardi et le sentiment d’urgence qui habitait le premier ministre, François Legault, quand il a annoncé, jeudi, les mesures et les recommandations musclées que son gouvernement a prévues pour réduire la propagation du coronavirus.

Tous les fonctionnaires, les employés des réseaux de la santé et de l’éducation et le personnel des services de garde qui reviennent de l’étranger devront se mettre en isolement pendant une période de 14 jours. Interdiction leur est faite de voyager à l’étranger dans le cadre de leur travail.

Le premier ministre a recommandé que la population en général se soumette aux mêmes contraintes et que toute personne qui rentre de l’étranger, quel que soit le pays, y compris les États-Unis, s’isole volontairement pendant 14 jours.

François Legault a aussi réclamé l’annulation de tout événement ou rassemblement intérieur de plus de 250 personnes. Il annoncera sous peu les efforts qu’il exigera du secteur privé.

Un peu comme Lucien Bouchard et le président d’Hydro-Québec, André Caillé, l’avaient fait lors de la crise du verglas en 1998, François Legault tiendra un point de presse quotidien avec la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann. François Legault a fait appel à « la solidarité des Québécois, au sens des responsabilités de tout le monde ». L’heure est à la mobilisation.

Le message qu’il lance aux Québécois, c’est de rester chez eux autant que possible, pour le prochain mois, et peut-être pour plusieurs mois. Des écoles ont annoncé, jeudi, qu’elles fermaient leurs portes pour une période indéterminée. De son côté, l’Ontario a décrété que la fermeture de toutes ses écoles publiques jusqu’au 6 avril.

Au dernier décompte jeudi, on dénombrait 13 cas de personnes souffrant de la COVID-19 au Québec, des voyageurs et quelques-uns de leurs proches. Aussi, d’aucuns trouveront excessives ces prescriptions. Mais pour le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, ces mesures draconiennes s’imposent pour éviter de se retrouver dans une situation aussi critique qu’en Italie où le réseau de la santé ne suffit plus à traiter toutes les personnes sévèrement atteintes. Selon lui, il y aura une contagion au Québec. En agissant aussi tôt et aussi énergiquement, on peut éviter un afflux soudain de cas graves qu’il serait impossible de traiter en totalité adéquatement.

Sans en avertir les autorités canadiennes ni européennes, le président Trump a annoncé mercredi soir qu’il fermait les frontières des États-Unis aux voyageurs de tous les pays d’Europe continentale. Cette interdiction ne s’applique pas au Royaume-Uni où pourtant le coronavirus sévit, bel exemple de l’incohérence du président américain. C’est dire que les Américains qui veulent revenir d’Europe pour rentrer chez eux pourraient transiter par Londres, Montréal ou Toronto. On peut croire que les aéroports canadiens connaîtront un afflux de ces voyageurs américains.

De même, s’il est hautement souhaitable que les Québécois en provenance des États-Unis s’isolent pendant 14 jours à leur arrivée, qu’en est-il des Américains qui débarquent à l’aéroport Montréal-Trudeau ou à celui de Québec ? C’est aux autorités fédérales de s’en charger et ils ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.

L’urgence que manifeste le gouvernement Legault n’est pas partagée par Ottawa. Les ministres Chrystia Freeland et Jean-Yves Duclos se sont contentés d’affirmer, jeudi, que le gouvernement fédéral ne resserrera pas ses contrôles après les avoir renforcés au début de l’éclosion virale.

Ironiquement, les ministres fédéraux n’ont pas manqué de vanter les mérites des réseaux de santé au Canada, ce régime public, accessible à tous, qui est en mesure de faire face à l’épidémie appréhendée. Ce n’est manifestement pas les cas du système de santé aux États-Unis, sans parler de la rareté des congés de maladie payés et de l’indigence d’une bonne partie de sa population. Il y a lieu de craindre que les États-Unis ne deviennent un pays à risque. Dans ce contexte, on peut comprendre que François Legault s’inquiète des contrôles qui s’effectuent à la frontière, une responsabilité qu’Ottawa semble assumer avec désinvolture.

Les conséquences des mesures prises par le gouvernement Legault seront considérables sur le plan économique. Il devra sortir son chéquier pour en atténuer les effets. Elles causeront des sérieux inconvénients à la population, en particulier aux familles. Mais les Québécois doivent se montrer solidaires et se mobiliser pour ce combat collectif sans précédent pour la santé publique.

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