Barricades autochtones: signaux contradictoires
Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé, mercredi, que du « progrès positif » avait été réalisé dans les discussions entre les chefs héréditaires wet’suwet’en et le négociateur dépêché par le gouvernement de la Colombie-Britannique, Nathan Cullen.
En outre, un train du CN a pu circuler sur le territoire mohawk de Tyendinaga, en Ontario. Mais les images des palettes de bois auxquelles les manifestants avaient mis le feu tout près du convoi n’avaient rien de particulièrement rassurant.
Au sud de Montréal, la ligne exo4 du train de banlieue qui relie Candiac et le centre-ville de Montréal est toujours paralysée, bloquée par des traditionalistes de Kahnawake qui ont renforcé leurs barricades en dépit de l’injonction obtenue par le Canadien Pacifique. Le chef des Peacekeepers de la réserve, Dwayne Zacharie, a indiqué que le corps de police autochtone n’avait aucune intention de faire respecter cette injonction. Justin Trudeau a plutôt invité la Sûreté du Québec (SQ) à s’impliquer.
De son côté, François Legault était difficile à suivre. Auparavant, il affirmait que c’étaient aux Peacekeepers de mener les opérations, mais mercredi, il a dit souhaiter l’intervention de la police à Kahnawake. Il a révélé que, si la SQ tardait à intervenir, c’est en raison de la présence sur le territoire de la réserve d’armes d’assaut AK-47 qui sont entre les mains des Warriors. Déjà, nous croyions qu’une intervention de la SQ était risquée ; la perspective d’une effusion de sang, avec ces « armes très dangereuses », selon les mots du premier ministre, ne milite certes pas en faveur d’une intervention menée en territoire autochtone par des policiers militarisés de la SQ.
Le grand chef du conseil mohawk de Kahnawake, Joe Norton, s’oppose à toute intervention de la SQ, mais il a tout de même évoqué une sortie de crise. Dans une entrevue à la télévision, le grand chef, qui doit composer avec des traditionalistes survoltés et peu conciliants, a souligné que les protestations étaient justifiées, mais qu’il y a 200 enfants mohawks qui fréquentent l’école à l’extérieur de la réserve. « Nos enfants pourraient subir des contrecoups [backlash], nous pourrions nous-mêmes subir des contrecoups ». Pris entre l’arbre et l’écorce, Joe Norton estime qu’il faut se soucier de « la réaction de nos voisins ». La levée des barricades doit être accompagnée par un engagement à entamer des discussions « justes et équitables » relativement aux revendications territoriales des Mohawks.
On n’en sort pas : une sortie honorable de la crise doit venir de l’origine du mouvement de blocage des voies, c’est-à-dire des Wet’suwet’en. Nous aimerions croire au « progrès » dont a parlé Justin Trudeau. Si un terrain d’entente est trouvé, les Mohawks et les Micmacs devraient consentir à lever leurs sièges et cesser d’entraver le transport ferroviaire. Jusqu’à la prochaine fois…
Car, avec cette crise, les Autochtones ont réalisé qu’ils disposaient d’un formidable moyen de pression, celui de bloquer un réseau ferroviaire particulièrement vulnérable avec les conséquences néfastes que l’on connaît pour l’économie du pays. François Legault doit aussi se rendre compte que construire un gazoduc qui traverse trois territoires autochtones au Québec n’est pas possible sans une entente avantageuse pour ces Premières Nations.
Ce moyen de pression, c’est toutefois un couteau à double tranchant. En Colombie-Britannique, mais aussi au Québec, l’opinion publique se montre de plus en plus sensible à leurs causes ; il ne faut pas la décourager. De même, les Premières Nations n’ont sans doute pas intérêt à contribuer à la chute d’un gouvernement minoritaire qui, même si ses paroles sont creuses et ses actes, timides, mise sur la réconciliation.