La brutale franchise de Fitzgibbon
En dévoilant la restructuration de l’investissement de 1,3 milliard du gouvernement dans la CSeries de Bombardier, cédée pour 1 dollar à Airbus en 2016, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, a indiqué que l’avionneur français ne s’était pas engagé à maintenir des emplois au Québec dans le programme rebaptisé A220.
Une garantie de maintien des emplois, c’est « politique, idéologique », c’est un concept « qui n’est pas réaliste », a soutenu le ministre avec franchise. Évoquant des « garanties verbales », Pierre Fitzgibbon s’est dit « très à l’aise » avec les « engagements moraux » qu’a pris le président d’Airbus, Guillaume Faury, engagements qui ne portent pas sur un plancher d’emplois, mais sur le maintien et le développement au Québec des activités liées au programme des A220.
En fait, si Airbus maintient ces activités au Québec, c’est que le géant de l’aéronautique y voit un avantage stratégique et concurrentiel pour la durée du programme qui s’étend jusqu’en 2035.
En Amérique du Nord, Airbus exploite une autre usine à Mobile, en Alabama, qui fabrique de plus gros porteurs, comme le A320, pour le marché américain, mais aussi des A220 depuis août 2019, les menaces protectionnistes des États-Unis produisant leur effet. Bien que l’expertise technique liée au programme demeure dans la région de Montréal, la performance de l’usine de Mirabel, qui produit les A220 pour tous les marchés à l’exception des États-Unis, se mesure à l’aune des installations américaines. Pas seulement la performance de l’usine et de la filiale Stelia, qui fabrique des pièces, mais aussi celle de toute la chaîne d’approvisionnement québécoise du A220, faite de PME, qui a dû améliorer sa compétitivité.
Pour l’heure, le ministre estime qu’Airbus n’a aucun intérêt à déplacer des emplois ailleurs alors que le centre nerveux du programme A220 est au Québec. Ce que le ministre nous dit cependant, c’est que pour que les emplois se maintiennent et se créent, il faut que les gens d’Airbus soient « contents d’être ici ». Si c’est le cas et si les ventes progressent, ce n’est pas 50 avions A220 qui sortiront de l’usine de Mirabel, mais 150. Tout porte à croire que la présence d’Airbus renforcera la filière aéronautique au Québec.
Aujourd’hui, l’investissement du gouvernement dans la coentreprise ne vaut plus 1,3 milliard, mais 600 millions de moins. Mais c’est là une écriture comptable qui pourrait se rétablir au moment de la vente du placement à Airbus, judicieusement repoussée de 2023 à 2026.
Du côté de Bombardier, qui croule sous les dettes, c’est à un démantèlement auquel on assiste. L’entreprise retire ses billes du programme A220 et en obtient 600 millions, tout en se dégageant de l’obligation d’y investir de l’argent qu’elle n’avait pas. La semaine prochaine, la compagnie devrait annoncer qu’elle cède sa filiale Bombardier Transport, basée en Allemagne, à un autre géant français, Alstom. Et il faudra oublier les garanties d’emplois.