Réforme du recyclage: un plan d’action conséquent

En matière d’écologie, le gouvernement Legault envoie des signaux contradictoires, opposant souvent le développement économique à la protection de l’environnement. Aussi, il faut le féliciter quand il ne succombe pas à son inclination et élabore un plan d’action valable, concret et doté d’un financement conséquent.

C’est ce qu’a fait mardi le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, en dévoilant la nécessaire réforme du système de collecte sélective, dix jours après avoir annoncé l’élargissement de la consigne à tous les contenants de boisson, qu’ils soient en verre, en plastique ou en aluminium.

La réforme fait en sorte que les entreprises qui vendent des produits emballés deviennent les acteurs centraux du système de recyclage par l’entremise de leur regroupement, Éco Entreprises Québec (EEQ). À l’heure actuelle, ce regroupement joue un rôle passif en recueillant quelque 150 millions en 2019 auprès de ses membres pour le verser aux municipalités. Soumises au principe de « responsabilité élargie des producteurs », les entreprises veilleront à leurs produits durant tout leur cycle de vie. EEQ sera appelée à superviser les centres de tri pour uniformiser les procédés de recyclage et établira des partenariats avec les municipalités afin d’harmoniser les méthodes de collectes. Dans un premier temps, l’organisme formulera un diagnostic qui visera également l’emploi et la composition des emballages. Les plastiques non recyclables seront éventuellement proscrits. Les producteurs devront atteindre des objectifs de récupération et de recyclage, à défaut de quoi il leur en coûtera plus cher.

Le ministre a annoncé l’octroi de 30,5 millions pour soutenir la modernisation des centres de tri ainsi que la recherche de débouchés pour les matières résiduelles. Un peu moins de 8 millions de cette somme viendra en aide aux centres de tri en difficulté financière.

Le but visé, c’est de hausser les taux de recyclage et de trouver des débouchés locaux pour les matières récupérées, ce qui passe par un meilleur tri afin d’assurer une qualité qui réponde aux exigences des recycleurs québécois. La filière ne peut plus compter sur les marchés étrangers dont les fluctuations la déstabilisent.

Dans la foulée, le ministère a rendu public le Plan d’action 2019-2024 de la politique québécoise de gestion de matières résiduelles. Le plan, qui porte sur une injection de 106 millions en cinq ans, dont les sommes dévoilées par le ministre mardi, revoit certaines cibles à la hausse. Le taux de recyclage des matières ramassées chez les citoyens doit passer de 70 %, la cible du plan précédent, à 75 % en 2023. Selon les données de Recyc-Québec, toujours remarquablement en retard, ce taux était de 54 % en 2015 pour la collecte sélective résidentielle et de 66,5 % en 2017 pour la consigne des contenants à remplissage unique. On ambitionne d’augmenter de 50 % les matières vendues à des recycleurs du Québec, ce qui en ferait le principal débouché de nos centres de tri.

Le plan d’action veut que, d’ici 2024, les emballages de plastique contiennent au moins 15 % de matières recyclées. Il vise aussi à réduire de 25 % la quantité de contenants à usage unique. Ce ne sont là, toutefois, que des cibles, non pas des exigences imposées par règlement et on peut déplorer que la lutte contre le suremballage ne soit pas plus énergique.

La réforme du recyclage prendra du temps. Le ministre a évoqué la nécessité d’adopter une loi pour la mettre en oeuvre. La collecte sélective modernisée pourrait s’amorcer en 2022, mais ne sera pleinement fonctionnelle qu’en 2025.

Quoi qu’il en soit, rendons à Cesar ce qui est à César : le gouvernement Legault entend déployer de réels efforts pour réformer cette activité déficiente. Assurant la gestion du système en vertu de critères resserrés, les producteurs d’emballages, rendus responsables de leurs produits, jouiront d’un incitatif financier afin de dénicher de meilleurs débouchés pour les matières à recycler, d’en hausser la qualité et même, doit-on espérer, de réduire le suremballage, véritable plaie à l’heure actuelle.

Le gouvernement Legault se dit pragmatique et « axé sur les résultats ». Souhaitons que ses cibles visant le recyclage ne soient pas des voeux pieux et qu’il instaurera sa réforme avec détermination. La protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques sont malheureusement des domaines où les bonnes intentions se traduisent souvent par une complaisante passivité.

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