De mal en pis
Après la fermeture de 31 magasins il y a un an, Lowe’s récidive en mettant la clé sous la porte de 34 autres succursales à travers le Canada, dont 11 Rona et un Réno-Dépôt au Québec.
Ces mauvaises nouvelles s’ajoutent à la mise à pied, il y a un mois, d’une soixantaine d’employés du siège social canadien situé à Boucherville ainsi qu’au départ de leur p.-d.g., Sylvain Prud’homme.
En acquérant Rona en 2016, Lowe’s croyait prendre un raccourci dans la guerre qui l’oppose à Home Depot, déjà présente au Canada. Mais Lowe’s a mal évalué le degré de difficulté posé par l’existence d’une majorité de marchands affiliés, contrairement à son réseau américain et à celui de Home Depot qui sont uniquement composés de grands magasins corporatifs. Déjà que la chaîne québécoise avait de la difficulté à suivre le rythme imposé par l’évolution du marché et la vente en ligne.
En prenant connaissance de la liste de magasins qui seront fermés, on remarque qu’il s’agit souvent d’établissements situés dans un environnement déjà desservi par un autre magasin de la chaîne. C’est le cas, par exemple, de l’ancien Marcil de Saint-Sauveur, situé à moins d’un kilomètre d’un marchand local affilié à Rona depuis longtemps.
Des dizaines d’employés perdront leur emploi, mais les ventes iront à d’autres, dont plusieurs marchands affiliés à des chaînes canadiennes, comme BMR (Coop fédérée), Patrick Morin, Canac ou Home Hardware.
Cela dit, trois ans plus tard, la vente de Rona fait toujours grincer des dents à cause de son importance pour les fournisseurs et l’industrie de la construction québécoise. Lowe’s a beau avoir ouvert le marché américain aux fournisseurs d’ici, très peu sont parvenus à répondre aux normes et aux volumes de production requis pour faire leur place sur les tablettes des grandes surfaces américaines. Sans cette transaction, Rona aurait pu survivre grâce à sa connaissance intime des habitudes d’achat des Québécois. Aurait-elle pu continuer de croître ? Plusieurs en doutent, dont les dirigeants de la Caisse de dépôt et placement, qui ont voté pour la vente en 2016.
Du temps où il était dans l’opposition, François Legault avait vertement critiqué l’inaction des libéraux devant la perte de sièges sociaux qualifiés de stratégiques et promis des changements. Dans le cas de Rona, il est trop tard, mais pour les autres, que ce soit les banques Laurentienne et Nationale, SNC-Lavalin, CGI ou CAE, une intervention préventive est encore possible, sans être évidente ou simple.
On peut, par exemple, demander à Investissement Québec de détenir un nombre d’actions suffisant pour empêcher toute tentative d’acquisition hostile, mais les coûts peuvent être prohibitifs et le risque, élevé. On peut aussi encourager le double actionnariat, comme c’est le cas chez Bombardier où la famille contrôle le vote malgré un nombre d’actions minoritaire. Mais cela vient avec son lot d’effets pervers, notamment lorsque la famille s’accroche à ses privilèges au détriment de la compagnie. Quant aux banques, elles relèvent de la compétence fédérale, alors…
François Legault a promis de protéger les sièges sociaux, mais nous attendons toujours de voir de quel bois il se chauffe.