Logement social et abordable: recul pour Montréal

L’administration Plante est déterminée à bonifier l’offre de logement social, abordable et familial à Montréal. Son règlement pour une métropole mixte, surnommé le « 20 / 20 / 20 », est bourré de contraintes qui feront reculer la métropole.

Ce règlement accentue la tendance à considérer les promoteurs et les acheteurs comme un filet social pour favoriser l’accès abordable à la propriété et au logement, alors que cette responsabilité devrait incomber à la société.

Le règlement forcera les promoteurs à intégrer dans les projets 20 % de logements sociaux, 20 % de logements abordables et 20 % de logements familiaux. Le volet social visera les projets de cinq logements ou plus, tandis que les volets abordable et familial cibleront les projets de 50 logements ou plus.

Auparavant, les promoteurs devaient réserver 15 % des espaces au logement social et 15 % au logement abordable pour les projets de 100 logements ou plus. Cette politique, doublée d’un allègement des contraintes imposées aux promoteurs, explique pourquoi Montréal est l’une des villes les plus accessibles en Amérique du Nord. La valeur médiane des logements occupés par un propriétaire (301 000 $), la hausse du loyer médian de 2011 à 2018 (13,8 %) et le loyer médian brut (700 $) placent Montréal dans le peloton de tête.

Le portrait n’est pas parfait. Selon les données de la Ville de Montréal, près de 155 000 ménages locataires sous le seuil de faible revenu consacrent 30 % ou plus de leurs revenus à se loger. Et 85 000 ménages locataires consacrent plus de la moitié de leurs revenus à se loger, une situation outrancière qui pèse sur leur capacité de subvenir à leurs besoins vitaux. Qui plus est, des conditions économiques favorables à Montréal font en sorte que la demande de logements excède l’offre, comme en témoigne le taux d’inoccupation de 1,9 %.

Une solution au problème serait de maintenir l’ancienne règle et de créer des conditions propices aux mises en chantier, mais l’administration Plante a choisi d’écouter davantage les groupes impliqués dans la promotion du logement social et la défense des droits des locataires que les promoteurs. Ceux-ci ne sont pas tous de vils capitalistes en complets rayés. Prével, dirigée par Laurence Vincent, fut l’un des premiers promoteurs à participer à la stratégie d’inclusion, dès 2006, en construisant des coopératives de logements sociaux. Lors de sa comparution devant l’Office de consultation publique de Montréal, elle a sonné l’alarme sur ce nouveau règlement, qui produira des effets contraires à ses objectifs de mixité et d’accessibilité.

L’Institut de développement urbain du Québec, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec ont également fait part de leurs inquiétudes, bien qu’ils soient tous favorables à des initiatives visant à encourager la mixité sociale et l’accès à la propriété.

Le volet abordable pose notamment de nombreux problèmes. La Ville n’a pas le pouvoir de contrôler les personnes y ayant accès, ni leurs intentions. Le premier acheteur peut facilement revendre à profit un logement abordable, répercutant au second la facture de la spéculation. Le caractère abordable du logement restera bien éphémère. Rien ne garantit par ailleurs que les logements familiaux (trois chambres ou plus) iront aux familles.

Les nouvelles contraintes feront par ailleurs augmenter le prix des logements de 1 à 4 % selon une analyse du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations. Il faut être naïf pour croire que les promoteurs ne transféreront pas la facture aux acheteurs, ce qui mènera à une augmentation des prix et au recul de l’accessibilité.

La Ville a choisi d’agir seule, en dehors du cadre de la Communauté urbaine de Montréal. C’est un écueil majeur, car les promoteurs, embêtés par les contraintes, risquent d’investir hors des frontières de Montréal, ce qui encouragera l’étalement urbain avec tous les maux qu’il comporte.

Il est dommage d’en arriver à ce résultat bancal, car l’objectif poursuivi par l’administration Plante est de la plus grande importance pour l’avenir de Montréal. Retenir les familles, favoriser l’accès à la propriété, encourager la mixité sociale constituent les fondements d’une métropole vivante.

Un moratoire est de mise, d’autant plus que la Ville avance seule, alors que le financement du logement social est une responsabilité de l’État québécois. Le gouvernement Legault devrait faire entendre sa voix et poursuivre les efforts pour récupérer les sommes qui lui sont dues dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, marquée par un empiétement inacceptable du fédéral dans la compétence du Québec en matière de logement social.

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