L’école à 10 vitesses?

Semaine costaude en éducation : le hasard a voulu que le dévoilement du projet de transformation des commissions scolaires du gouvernement Legault suive la publication d’un troublant rapport accusant le système scolaire québécois d’être le plus inéquitable au pays et de fonctionner à trois vitesses au moins. Or, en remettant l’école dans les mains des communautés comme elle affirme vouloir le faire, la CAQ ne risque-t-elle pas de nous mener vers l’école à la carte ?

Le mouvement L’école ensemble a eu accès à des données scolaires inédites produites par l’OCDE qui confirment ce que plusieurs redoutaient : différentes écoles se côtoient au Québec — école publique, programme particulier et sélectif dans l’école publique, et école privée —, ce qui crée des iniquités et de l’injustice. Davantage d’autonomie aux écoles, comme le promeut le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, viendra-t-il accentuer le phénomène ? À chacun sa grille horaire, sa grille matière, son petit projet ?

Les directions d’école, qui revendiquent cette marge de manoeuvre depuis des lustres et qui croient à une école se faisant le reflet de sa communauté, sont les premières à demander des éclaircissements, car le projet de loi comporte ses zones d’ombre. D’autres réformes avant celle-ci avaient des velléités de décentralisation et ont fini par accentuer les pouvoirs dévolus au ministre.

Quant aux objectifs de départ, trouvent-ils une réponse dans le projet de loi ?

1. Réduire les coûts. Une économie de 45 millions sur un horizon de quatre ans ne fera pas une différence majeure. Dans le budget des dépenses de 11,2 milliards pour l’éducation préscolaire, primaire et secondaire, ce montant représente une économie annuelle de… 0,1 %.

2. Alléger les structures. Pour l’instant, le seul palier qui disparaît de l’équation concerne celui des élus, et il est vrai que les taux anémiques de participation aux élections scolaires commandaient une action radicale. Mais rien n’indique que les « centres de services » ne conserveront pas cette bureaucratie qu’on associe spontanément à la lourdeur — et qui dans les faits contribue à faire rouler l’école : embauche, formation, transport scolaire, nouvelles technologies, service de la paie, élèves en difficulté.

3. Améliorer la réussite. C’est le pari le plus important de cette réforme, et il nous ramène inévitablement au constat formulé par l’OCDE sur les inégalités du système. S’y tapissent certains tabous habilement contournés au fil des administrations : l’école publique s’est de l’intérieur « privatisée » en proposant des offres diversifiées et enrichies, et a fait de l’école ordinaire un parent de plus en plus pauvre.

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