Sans compromis

La démission de Luc Ferrandez, maire de l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, est l’aboutissement d’un schisme aussi vieux que la politique. C’est l’histoire d’un militant qui se sent à l’étroit dans sa formation et ne supporte plus la ligne de parti.

M. Ferrandez se déverse dans les médias depuis mardi, en drapant son geste de rupture d’une conscience environnementale. Deux choses semblent le chicoter chez la mairesse Valérie Plante : une présomption d’ouverture de sa part au projet immobilier Royalmount et au retour du baseball professionnel dans un nouveau stade à Montréal. La mairesse a cédé « à la pression de droite », dira-t-il.

L’envers du décor, c’est que M. Ferrandez agaçait de plus en plus l’administration Plante, au point où elle cherchait à limiter ses interventions publiques. Le maire du Plateau est demeuré un militant, la tête dans les idéaux, alors que ses comparses de Projet Montréal fixent l’horizon des élections de 2021.

Cet idéal de pureté lui a valu bien des critiques, notamment des petits commerçants et du merveilleux monde motorisé, qui n’en revient pas encore qu’un maire puisse redonner les rues de son quartier aux piétons, cyclistes et résidents qui l’habitent.

C’est là un legs honorable. Luc Ferrandez s’est présenté en politique en 2009 pour redonner aux citoyens du Plateau un quartier plus vert et mieux aménagé. Il n’a pas caché ses intentions et il a tenu ses promesses. Et ses concitoyens l’ont élu trois fois pour ces raisons, en dépit de certains défauts, dont l’arrogance n’était pas le moindre.

Il était absolutiste même dans sa conviction de montrer la voie, ce dernier trait de caractère ressortant au grand jour maintenant qu’il tourne le dos à la politique. Il y reviendra peut-être dans dix ans, dit-il, lorsque la crise climatique commandera de toute urgence l’élection de ce qu’il appelle un « leader autoritaire progressiste ».

C’est précisément ce genre de posture qui discrédite la cause environnementale. L’urgence climatique ne peut être niée, mais elle n’autorise pas l’érosion des réflexes démocratiques et les déclarations visant à culpabiliser les citoyens pour leurs comportements individuels : on les prévient maintenant contre l’empreinte écologique de la procréation !

La lutte contre les changements climatiques ne ralliera pas les masses en se réfugiant dans ce totalitarisme vertueux. Le rassemblement de la société civile, de la classe politique et des grandes entreprises autour d’objectifs communs est plus porteur de succès. Mais cette posture exige parfois cette chose honnie par M. Ferrandez qu’est le compromis.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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