Nomination des juges: les limites de la Libéraliste

Le nouveau ministre fédéral de la Justice, David Lametti, s’est rangé derrière la position de son premier ministre, Justin Trudeau. La Libéraliste continuera d’être utilisée pour évaluer les candidats à la magistrature.

Dommage que les libéraux n’accordent pas plus d’importance à l’impartialité du processus de nomination des juges. Au Québec, ces préoccupations ont donné lieu à la commission Bastarache il n’y a pas si longtemps et à un resserrement des règles afin d’éviter les apparences de proximité entre le pouvoir politique et judiciaire. Les petites notes jaunes sur un dossier de candidature pour distinguer les candidats de la bonne couleur politique sont chose du passé.

À Ottawa, ces pratiques archaïques sont encore en vogue en raison de l’usage de la Libéraliste, une base de données qui recense les militants, sympathisants et donateurs du Parti libéral du Canada (PLC) avec minutie.

Selon le Globe and Mail, le cabinet du premier ministre a utilisé la Libéraliste pour vérifier les antécédents des candidats à la magistrature. Sur les 289 juges nommés par le gouvernement Trudeau, le quart figuraient dans la base de données comme donateurs du parti avant leur nomination.

Le ministre Lametti avance que le système a servi à bloquer des candidatures libérales puisque à peine le quart des juges nommés avaient des sensibilités libérales. Il balaie vite sous le tapis l’étrange disproportion entre les donateurs libéraux et ceux des autres formations dans cette cohorte de nouveaux juges. En effet, sur les 83 candidats qui ont participé à des activités de financement politique, 75 l’ont fait pour les libéraux, 9 pour les conservateurs, 8 pour les néodémocrates et 1 pour les verts. Autrement dit, l’implication politique des nouveaux venus s’est faite au bénéfice du PLC dans neuf cas sur dix.

En faisant passer les candidats à la magistrature dans la moulinette de la Libéraliste, Ottawa n’utilise pas une donnée comme une autre. Il amplifie un problème de perception d’influence politique dans la nomination des juges.

Cette pratique est incompatible avec les objectifs de la réforme du mode de nomination, axée sur la transparence, l’obligation de rendre des comptes et la mise au rancart de la partisanerie.

Il ne suffit pas que le processus soit libre de toute influence politique, il doit être également libre de toute perception d’influence. Parce qu’il accentue ce problème de perception, l’usage de la Libéraliste n’a pas sa place dans la sélection des juges.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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