Enfin une véritable volonté politique

Vendredi dernier, la juge Hélène Bédard, du Tribunal administratif du travail, a sommé les infirmières d’accepter sans condition de faire des heures supplémentaires obligatoires le 8 avril. La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) avait décrété ce lundi « journée nationale » sans heures supplémentaires obligatoires. Or cette défaite n’en est pas une.

D’une part, dans sa décision, la juge reconnaît que les heures supplémentaires obligatoires devraient être acceptées « lors de situations urgentes et exceptionnelles ». De toute manière, les infirmières sont soumises à un code de déontologie qui leur défend d’abandonner un patient qui a besoin de soins. D’autre part, la FIQ avait demandé aux gestionnaires du réseau de la santé de préparer des horaires sans heures supplémentaires obligatoires, et c’est exactement ce qu’ils ont fait. Nous ne savons pas si c’est au prix d’un certain ralentissement des activités, notamment en ce qui a trait aux chirurgies électives. Mais les gestionnaires ont démontré qu’ils pouvaient y arriver. Cela représente, aux yeux de la FIQ, une éloquente admission de leur part.

Au fil du temps, les heures supplémentaires obligatoires sont devenues un mode de gestion courant dans le réseau de la santé. Mais cet expédient a plusieurs effets pervers. Nombre d’infirmières refusent des postes à temps plein parce qu’à temps partiel, elles peuvent éviter l’obligation de faire des heures supplémentaires, d’autant que, souvent, les postes offerts ne sont pas assignés à des unités de soin précises et ne comportent pas de plages horaires stables. La surcharge de travail, causée par des ratios infirmières-patients trop élevés, a des conséquences néfastes sur l’assiduité et elle pousse les professionnelles à prendre leur retraite plus tôt. C’est un cercle vicieux qui creuse la pénurie de main-d’oeuvre.

De plus, la réforme centralisatrice de Gaétan Barrette a aggravé la situation en éliminant des cadres qui s’occupaient de l’organisation de travail dans chacun des établissements, déshumanisant encore plus le milieu de travail.

La ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, croit aussi que cette journée de lundi fait la démonstration que gérer sans le recours aux heures supplémentaires obligatoires est possible. Ce ne devrait pas être « une mesure habituelle et routinière ». Rappelant que le dernier budget prévoit une enveloppe de 200 millions pour l’embauche d’infirmières et autres professionnelles dans le réseau de la santé, la ministre a répété que l’élimination des heures supplémentaires obligatoires est un engagement ferme de son gouvernement. « C’est le dossier numéro un. C’est la priorité de tous les établissements », a-t-elle déclaré.

Il est heureux que Danielle McCann affiche une véritable volonté politique de mettre fin à ce mode de gestion qui, s’il simplifie le travail de gestionnaires, rend misérable celui des infirmières. La ministre soutient que les directions des établissements sont dans le coup. Pour améliorer la situation, elle compte, notamment, sur le « rehaussement » des postes, c’est-à-dire l’ouverture de postes d’infirmières à temps plein, quatre jours semaine, des postes stables auxquelles celles-ci aspirent. Les heures supplémentaires — non obligatoires — seraient réservées aux fins de semaine. Elle table aussi sur le retour d’infirmières qui ont pris leur retraite.

Évidemment, il y a loin de la coupe aux lèvres. « Si j’avais une baguette magique, ce serait [réglé] demain matin », a illustré la ministre. Le gouvernement caquiste s’est donné quatre ans pour corriger la situation. Or des améliorations tangibles devront être apportées rapidement. Au bénéfice des infirmières, qui méritent de pouvoir exercer leur profession dans les meilleures conditions possible, mais surtout pour le bien des patients, qui pâtissent de cette organisation de travail déficiente et inhumaine.

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