Un refus honteux
Depuis l’automne dernier, les Nations unies tentent de convaincre le Canada de prolonger de quelques mois sa participation d’un an à la mission de maintien de la paix au Mali. À Ottawa, on veut au contraire plier bagage en juillet prochain, même si les troupes roumaines qui prendront la relève ne pourront pas être en place avant la mi-octobre. Les autorités onusiennes sont revenues à la charge à la fin février avec une demande écrite formelle. La réponse est venue vendredi. C’est non.
En conférence téléphonique depuis New York où elle assistait à la Conférence ministérielle des Nations unies sur le maintien de la paix, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, n’a jamais voulu expliquer la résistance du Canada, se contentant de répéter en boucle que « nous allons faire ce que nous avions dit que nous allions faire ».
L’ONU ne demande pas la lune au Canada : deux mois de plus à plein régime et un mois supplémentaire à régime réduit. Le contingent canadien est petit, 250 militaires au sein d’une mission onusienne de plus de 13 000 soldats d’une soixantaine de pays. Il joue toutefois un rôle essentiel avec des ressources que seuls les pays industrialisés sont capables d’offrir. Avec ses huit hélicoptères, cette force opérationnelle héliportée assure avant tout l’évacuation médicale des soldats blessés, mais aussi le transport, l’appui logistique, l’escorte et la protection des troupes sur le terrain.
Un retrait en juillet exigerait de l’ONU qu’elle se tourne vers des fournisseurs civils, ce qu’elle a déjà fait par le passé, mais toujours pour de courtes périodes. Ce n’est toutefois pas idéal, surtout pas pendant trois mois, car ces opérateurs d’hélicoptères ne peuvent soutenir la mission de la même manière.
Cette fin de non-recevoir du Canada est bien mal venue de la part d’un gouvernement, qui disait que « le Canada serait de retour » sur la scène internationale et reprendrait sa place au sein des missions des Nations unies tout en convoitant un siège au Conseil de sécurité. Oui, le Canada collabore d’autres manières, mais cette mission est unique. Et s’il est si important de s’en tenir à l’engagement original au Mali, il faudrait qu’on nous explique pourquoi Ottawa n’a pas eu les mêmes scrupules pour prolonger les missions canadiennes en Ukraine, en Irak et en Lettonie, qui ne sont pas sous l’égide des Nations unies.
L’attitude d’Ottawa reflète la tiédeur du Canada quant à l’Afrique, un sentiment qui prévaut depuis plus de dix ans. Il a fallu les pressions répétées de nos alliés, en particulier de la France, et de l’ONU pour que le Canada s’engage au sein de la mission malienne. Le Mali est pourtant un front important dans la lutte contre le terrorisme islamiste depuis qu’il a été déstabilisé par la chute (avec l’aide du Canada) du régime libyen de Mouammar Kadhafi.
L’effort supplémentaire demandé du Canada au Mali n’est pas au-dessus de ses forces. Refuser de le faire respecte peut-être l’engagement pris en mars 2018, mais trahit fondamentalement la promesse d’apporter sa juste contribution.