Une taxation plus efficace
« Remettre de l’argent dans votre portefeuille » fut l’une des promesses phares de la Coalition avenir Québec (CAQ) au cours de la récente campagne électorale. Le slogan a probablement séduit cette majorité des contribuables (63 %) qui paient des impôts. Mais à y regarder de plus près, on constate qu’il se résume à quelques points seulement parmi la centaine de promesses de la CAQ : l’uniformisation de la taxe scolaire, le retour au tarif unique en garderie, la bonification de l’allocation familiale et l’aide aux handicapés et aux proches aidants.
En décembre, le gouvernement a entrepris d’implanter progressivement ces mesures fiscales qu’on peut qualifier de bien ciblées sur les familles. Mais ne faut-il pas aller plus loin pour rendre notre fiscalité plus compétitive en ces temps de pénurie de main-d’oeuvre et de lutte contre les changements climatiques ?
Selon les dernières données compilées par la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, les prélèvements fiscaux obligatoires équivalent à 37,3 % du PIB du Québec comparativement à 32 % dans le reste du Canada et à 34,2 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. En revanche, ils sont nettement moindres ici qu’en France (46,2 %) ou en Suède (44 %).
Il s’agit là d’un choix politique pas toujours conscient qui vient avec l’avantage d’une quantité — sinon d’une qualité — accrue de services publics, mais aussi avec ses inconvénients, dont le plus évident est la réduction du revenu disponible des ménages et l’incitation à travailler moins ou à travailler au noir.
Cela dit, c’est au chapitre des outils fiscaux qu’il faut s’arrêter pour voir s’il n’y a pas moyen de faire mieux. À titre d’exemple, le Québec privilégie l’impôt sur le revenu (34,1 % des recettes fiscales totales), contrairement aux pays de l’OCDE (24,2 %) qui ont plutôt choisi les taxes à la consommation (28,2 % contre 18,7 % au Québec). Même constat en ce qui a trait aux cotisations sociales, beaucoup plus élevées dans les pays de l’OCDE (27,3 % du total) qu’au Québec (15,7 %).
Chez nous, chaque fois qu’un groupe d’experts propose de modifier l’ordre des choses afin, par exemple, de mieux reconnaître les efforts du travail légal et d’inciter à l’épargne au lieu d’à la consommation, les élus reculent sous la pression de ceux qui prétendent que les taxes à la consommation pénalisent davantage les moins nantis. Ce qui est loin d’être le cas lorsqu’elles excluent les biens essentiels, comme le logement, les soins de santé, l’alimentation et le transport collectif, et qu’elles s’accompagnent de crédits remboursables, comme le crédit de TPS et le crédit de solidarité.
Admettons toutefois qu’à 15 % pour le Québec, le tandem TPS-TVQ a atteint un seuil psychologique difficilement franchissable en Amérique.
Qu’à cela ne tienne, il existe d’autres moyens de taxer plus efficacement. À titre d’exemple, pour encourager les gens à conserver un emploi au-delà de 60 ans, et même de 65 ans, on peut encore bonifier le crédit pour travailleur d’expérience et, surtout, en faire la promotion. On peut aussi annuler, ou rendre optionnelles, les cotisations au RRQ, comme c’est le cas dans les autres provinces, et annuler la contribution obligatoire au Fonds des services de santé.
Pour l’ensemble des salariés, la France est sur le point d’éliminer les charges sociales imposées sur les heures supplémentaires. Une avenue coûteuse qui mérite pourtant d’être étudiée dans certains cas, comme celui du travail obligatoire des infirmières.
Dans un autre registre, le Québec a malheureusement très peu recours à l’écofiscalité. En plus de la Bourse du carbone, on pourrait profiter de la conjoncture favorable aux gros consommateurs d’hydrocarbures pour hausser les taxes sur les carburants et imposer une surtaxe à l’achat des camions légers qui ne servent pas pour le travail et des gros VUS, tout en réinjectant cet argent sous forme de baisses d’impôt sur le revenu. Si Québec adoptait la nouvelle taxe fédérale sur le carbone en plus de son programme d’échange de droits de polluer, cela ouvrirait peut-être la porte à un remboursement du fédéral supérieur à la taxe elle-même, ce qui sera bientôt le cas en Ontario.
Dans la même veine, il faut réintroduire les péages sur les autoroutes et les ponts, comme partout dans le monde, et imposer une taxe sur les places de stationnement des centres commerciaux. Mais là encore, en consacrant les sommes recueillies à l’amélioration des transports régionaux ou à la baisse des impôts. L’important, en somme, c’est de mettre la fiscalité québécoise déjà passablement progressive au service des causes prioritaires.
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