Usine polluante à Bécancour: le naturel revient en Hummer

Il y a 15 jours, François Legault rencontrait des représentants du Pacte pour la transition, dont le metteur en scène Dominic Champagne, une rencontre où, selon ses interlocuteurs, le premier ministre s’est montré ouvert à discuter d’enjeux climatiques. Fraîchement assermenté en octobre, il avait d’ailleurs reconnu qu’il n’avait pas suffisamment parlé d’environnement lors de la campagne électorale, affirmant qu’il éprouvait « une sincère préoccupation pour les défis environnementaux ». Et à la grande marche pour le climat à Montréal il y a deux semaines, trois ministres caquistes — MarieChantal Chassé, Chantal Rouleau et Christian Dubé — se sont mêlés aux manifestants.

Or nous apprenions cette semaine que le gouvernement Legault est favorable à la construction d’une usine d’urée, élément essentiel à la production d’engrais chimiques, et de méthanol à Bécancour. Cette usine, qui emploierait 200 personnes, émettrait 630 000 tonnes métriques de gaz à effet de serre par an, soit l’équivalent de 180 000 voitures. Selon La Presse, les ténors économiques du gouvernement, dont le premier ministre lui-même, ont facilement eu le dessus sur les quelques ministres qui s’opposaient au projet, dont la ministre poids plume MarieChantal Chassé, à l’Environnement. Le développement économique d’abord, prône-t-on. Après les accolades de François Legault données aux artistes écologistes, le naturel revient au galop. Pire, il revient en Hummer !

L’usine permettrait de remplacer des importations de la Russie et de la Chine, produites avec du charbon, et une partie des émissions de CO2 associées à la production de méthanol alimenterait celle d’urée, ce qui diminuerait les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle de la planète, font valoir les promoteurs.

Or bâtir ce maillon de la chaîne de production d’engrais chimiques, c’est faire une profession de foi dans l’agriculture non biologique au Québec pour des décennies.

Le projet sera soumis au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Il faut lui confier un mandat complet et qu’il procède à une analyse du cycle de vie des produits.

S’il se souciait vraiment de l’environnement, le gouvernement Legault éviterait de donner sa bénédiction à un projet de cette nature avant même que le BAPE ne produise son rapport. Quoi qu’il en soit, il devra nous dire comment ce projet est compatible avec l’atteinte de ses objectifs de lutte contre les changements climatiques. C’est sa crédibilité environnementale qui est en jeu.

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