Entraves au travail du BEI: écarts inadmissibles
La nouvelle a beau être désolante, elle n’a rien de surprenant. Des corps policiers, dont le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), auraient entravé le travail du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), au point où sa directrice, Madeleine Giauque, a dû s’en plaindre par écrit aux organisations concernées.
Le BEI a été mis en place en 2016 afin d’accroître la transparence et la qualité des enquêtes menées sur les policiers impliqués dans des interventions ayant fait des morts ou des blessés graves. La création du Bureau découlait des situations observées dans de nombreux procès ou enquêtes publiques, dont celle sur la mort du jeune Fredy Villanueva.
À cette époque pas si lointaine, la police enquêtait sur la police lors d’interventions tragiques. Les policiers mis en cause bénéficiaient régulièrement d’un traitement préférentiel. Les témoins civils étaient isolés et interrogés rapidement, parfois même sur leur lit d’hôpital lorsqu’il y avait des blessés. À l’inverse, les policiers mis en cause n’étaient pas isolés, ils pouvaient rencontrer un délégué syndical et profiter de longs délais avant de communiquer leur version des faits. Dans certains dossiers, ce système de complaisance a permis aux policiers fautifs de recevoir l’équivalent d’un brevet d’innocence.
Les mauvaises pratiques perdurent en dépit de la création du BEI, comme le révèlent les lettres de Me Giauque. Les corps de police impliqués dans des interventions tragiques tardent à appeler les enquêteurs du BEI, sachant bien que les premières heures d’une enquête seront cruciales pour établir la vérité judiciaire. Les scènes de crimes sont mal protégées. Les policiers ne sont pas isolés au moment de produire leurs rapports, au risque d’une contamination des récits. Même si ces cas sont peu nombreux, ils sont préoccupants.
Le SPVM assure que ses pratiques ont changé, une explication que l’administration Plante accepte avec trop d’empressement. Ces révélations nécessitent au moins la tenue d’une séance de la Commission de la sécurité publique. La nouvelle ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, ne voit pas la nécessité d’accorder au BEI de nouveaux pouvoirs de sanction contre les policiers fautifs, estimant que le Bureau et les autres corps de police sont des « partenaires » qui doivent apprendre à travailler ensemble.
C’est exactement le contraire. Les enquêtes du BEI peuvent mener au dépôt d’accusations criminelles contre des policiers. Le BEI n’est pas un partenaire des forces policières, mais un rempart contre l’impunité. Pour jouer son rôle de manière efficace et pour protéger ses enquêtes des entraves d’éléments insoumis, ce pouvoir de sanction lui serait fort utile.