Legault et l’environnement: l’heure du réveil
Nouvellement assermenté comme premier ministre du Québec, François Legault a reconnu que la Coalition avenir Québec avait trop peu parlé d’environnement durant la campagne électorale. Il a dit avoir pris acte des commentaires des citoyens. Or pour un gouvernement, réagir à l’opinion publique est une chose, agir avec détermination et cohérence en est une autre.
Bien que tardif, ce réveil — osons espérer qu’il s’agit d’une prise de conscience — est évidemment le bienvenu. Il était incongru qu’un parti aspirant au pouvoir au Québec fasse l’impasse sur cet enjeu crucial.
En matière de réduction des gaz à effet de serre (GES) — le premier ministre n’a abordé que cette dimension de la question —, François Legault a promis de « poser des gestes » et d’« agir de façon pragmatique », un qualificatif qu’il chérit, afin d’atteindre des résultats. C’est en soi une bonne nouvelle parce que, trop souvent, les stratégies visant la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique édictent des cibles sans trop se soucier des moyens à prendre pour obtenir des résultats concrets.
Ainsi, le Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques du gouvernement Couillard a fixé l’objectif de réduire de 20 %, par rapport à 1990, les émissions de GES d’ici 2020. Or à deux ans de l’échéance, le Québec est en voie de rater sa cible de beaucoup. Le gouvernement Legault doit nous dire ce qu’il entend faire.
Il faut saluer l’intention exprimée par le premier ministre de revoir la gestion du Fonds vert, dans lequel transitent quelque 4 milliards et dont une partie des sommes a été dilapidée pour financer des projets qui ont eu peu d’impact.
Mais l’enjeu de l’environnement ne s’arrête pas aux changements climatiques, bien qu’ils représentent la menace la plus sourde et, sans doute, la plus difficile à contrer compte tenu de son envergure planétaire.
Dans son livre publié en 2013 et intitulé Cap sur un Québec gagnant. Le Projet Saint-Laurent, François Legault s’inquiétait de la qualité de l’eau du fleuve et du fait que les municipalités, dont Montréal, y déversent encore des eaux usées sans traitement et qu’il subisse la pollution en provenance des terres agricoles. Ce sont des chantiers qui nécessiteront des investissements de plusieurs milliards de dollars.
François Legault devra aussi nous dire où il loge au regard de la protection de la biodiversité, un enjeu dont l’ampleur ira en grandissant. Cela englobe l’utilisation des pesticides, l’exploitation forestière, la protection des milieux humides, la création d’aires protégées. À cet égard, le Québec ne fait pas figure d’exemple. On n’a qu’à penser à la pouponnière de bélugas à Cacouna, toujours menacée par un projet de port, à l’extermination des caribous forestiers ou au promoteur qui avait obtenu l’autorisation d’assécher l’habitat d’une espèce d’amphibien en péril.
À ce jour, la CAQ n’a pas semblé sensible à ce type de préoccupations. En campagne électorale, sa candidate dans Bertrand, Nadine Girault, maintenant élue, a même promis d’ouvrir le parc national du Mont-Tremblant à la motoneige, comme si les motoneigistes, dont l’activité s’avère des plus polluantes et perturbatrices pour la faune, manquaient de sentiers au Québec.
François Legault, qui a affirmé sur le tard sa « sincère préoccupation pour les défis environnementaux », ne fait pas preuve de la plus grande cohérence : agrandissements d’autoroutes, troisième lien à Québec, préjugé favorable à l’égard de l’exploitation des hydrocarbures, mais aussi engagement pour l’électrification des transports et pour le développement du transport en commun.
Dans son discours d’assermentation, le premier ministre s’est vanté d’avoir « une équipe économique de rêve », qui se déploie non seulement aux Finances et à l’Économie, mais dans chacun des ministères, qu’il a presque tous nommés.
Nous croyons qu’il devrait en être de même de l’Environnement, un portefeuille transversal qui touche la presque totalité des activités de l’État et de la société. On ne peut plus concevoir l’aménagement du territoire — et son corollaire, l’étalement urbain — sans qu’il soit guidé par la protection de l’environnement, ni l’agriculture, ni la forêt, ni la santé publique, ni le développement économique, en général.
Eu égard aux défis que représentent les changements climatiques et les menaces à la biodiversité, la protection de l’environnement doit être au centre de l’action gouvernementale. Et puisqu’il suppose un profond changement dans les habitudes et le mode de vie des citoyens, cet enjeu de société, car c’en est devenu un, doit faire l’objet d’une mobilisation nationale que seul un gouvernement volontaire — et sincère — peut lancer.